Une équipe de scientifiques suédois a défini en 2009 neuf limites planétaires (article de référence). Une importante mise à jour date de 2015 (article de référence). Voici l’idée : Depuis plus de 10 000 ans, la Terre est restée dans un état stable ; franchir certaines limites planétaires provoque de graves perturbations, à l’image d’un chemin de dominos. Ou plutôt d’un réseau de chemins de dominos. Un domino peut légèrement bouger, mais au delà d’un certain seuil, il tombe, entraînant une cascade de conséquences…
4 limites planétaires franchies avant 2015
CLIMAT
Chaque année nous assistons à de nouveaux records de chaleur, sécheresse / inondations… qui menacent la vie sur Terre. Par exemple durant l’été 2022 la France vivait 3 canicules et une sécheresse record. A l’autre bout du monde, de violentes pluies de mousson inondaient le Pakistan. Et de violentes intempéries ont aussi inondé une partie de l’Australie. Puis pendant l’hiver 2022-2023, la sécheresse historique à l’échelle de l’Europe inquiète.
L’augmentation de l’effet de serre (qui réchauffe la planète) est un élément crucial de l’équilibre climatique. Plusieurs gaz en sont responsables. Mais les scientifiques ont choisi le dioxyde de carbone comme gaz à effet de serre emblématique. Le seuil établi est de 350 ppm (parties par millions) dans l’atmosphère. Actuellement, la concentration moyenne est de 450 ppm : le seuil est largement franchi en 2021.
Autre mesure pouvant définir la limite : le forçage radiatif. L’idée est la suivante. Si la planète reçoit plus d’énergie qu’elle n’en émet, elle se réchauffe. Le seuil a été établi à +1 W/m2. En 2022, les scientifiques évaluent le forçage radiatif à +3,22 W/m2.
BIODIVERSITÉ
Les scientifiques mesurent une baisse inquiétante de la diversité du vivant. Tous les groupes d’êtres vivants sont concernés. La planète entière est touchée, de l’équateur aux pôles, dans les océans comme sur les continents. Comme pour le climat, les chercheurs ont défini une limite chiffrée. Ils ont établi le seuil à 10 extinctions par million d’espèce et par an (E/MEA). Actuellement, ils estiment que la vitesse d’extinction est de l’ordre de 100 à 1000 E/MEA.
SOLS
La création de routes, bâtiments… détruit des sols où il y avait auparavant des champs, des jardins, des forêts… On parle d’artificialisation des sols. Il y a de plus les problèmes d’érosion, de pollution des sols, etc.
Les scientifiques ont choisi la part de forêt originelle comme indicateur. Elle devrait être d’au moins 75%. Mais elle n’est plus que de 62%.
AZOTE et PHOSPHORE
L’excès d’azote provenant des engrais azotés, de la combustion des ressources fossiles et de procédés industriels, l’excès de phosphore issu des engrais, des élevages et des détergents, se retrouvent dans l’eau des lacs, rivières, océans : c’est la cause notamment de la prolifération d’algues vertes et d’algues microscopiques pouvant être toxiques.
Les scientifiques savent évaluer la quantité de phosphore qui arrivent dans les milieux aquatiques :
- à l’échelle régionale, il ne devrait pas en arriver plus de 6,2 milliards de kg par an. En 2017, il en5arrivait 14 milliards de kg.
- à l’échelle mondiale, l’entrée annuelle du phosphore dans les océans devrait être d’au plus 11 milliards de kg. Il en arrivait le double en 2015.
Pour l’azote, les scientifiques ont choisi la fixation de l’azote comme indicateur. La fixation biologique industrielle et intentionnelle de l’azote devrait être au plus de 62 milliards de kg par an, il y en avait presque trois fois plus (entre 150 et 180) en 2017.
2 limites franchies début 2022
POLLUTION : La pollution par les produits chimiques (PFAS, perturbateurs endocriniens) et plastiques concerne la planète entière ! Nous devons aussi penser aux autres formes de pollution : pollution lumineuse, sonore…
EAU DOUCE : L’assèchement des sols et des cours d’eau inquiète de nombreuses régions du globe. D’autant que l’eau résiduelle est, trop souvent, polluée, trop chaude…
une limite non quantifiée à l’échelle de la planète
AÉROSOLS : il y a de plus en plus de particules en suspension dans l’air, elles ont des effets négatifs sur la santé et perturbent le climat. Les scientifiques en évaluent la quantité au travers de leur épaisseur optique. Ils n’ont pas défini de limite globale, mais des limites régionales. Ainsi, en Asie du Sud, l’épaisseur optique était en 2016 de 0,3-0,4 pour un seuil de 0,25. Donc on sait qu’à l’échelle régionale, la limite est franchie au moins en Asie du Sud. Mais on ne sait que penser à l’échelle globale.
2 limites planétaires très fragiles
OZONE : dans la haute atmosphère, une couche d’ozone nous protège contre les rayons UV du soleil. Une partie de l’ozone disparait de façon saisonnière dans les régions polaires : les UV passent alors davantage et peuvent provoquer notamment des cancers. La concentration de l’ozone stratosphérique devrait être d’au moins 275 unités Dobson. Or elle fluctue entre 220 et 450 unités Dobson. Ainsi, la limite est parfois franchie localement, mais globalement elle n’est pas franchie.
ACIDIFICATION DES OCÉANS : Les océans deviennent plus acides, cela menace l’équilibre de la vie océanique. Pour l’estimer, les scientifiques mesurent le taux moyen de saturation de l’eau de mer de surface en aragonite. Il doit rester supérieur ou égal à 80 % du niveau pré-industriel, on en serait à 88%. Mais derrière cette moyenne se cache des disparités. Ainsi, dès 2013, des scientifiques s’inquiétaient de la sous-saturation en aragonite du bassin canadien. L’aragonite est un minéral qui constitue, notamment, la moitié des coquillages. Dans un milieu trop acide, il se dissout. Problème évident pour les mollusques si leur coquille se dissout… La limite n’est pas franchie mais, localement, la situation est dores et déjà critique pour les espèces sensibles.
Tout est lié !
Je vous ai décrit ces limites de façon indépendante mais, en réalité, tout est lié. Exemple, fin septembre 2024, on peut lire dans tous les médias (exemple : sur France Info) que le gouvernement colombien a alerté le monde entier : « Le niveau de l’eau a diminué de 80 à 90% au cours des trois derniers mois, en raison de la sécheresse causée par le changement climatique dans le pays ». On parle ici…
- d’eau douce : il s’agit du lit de l’Amazone, le plus long fleuve du Monde !
- de climat : une grave sécheresse
- de biodiversité : avec si peu d’eau, plus chaude et où la pollution va pouvoir être concentrée, une forte mortalité est prévisible !
Et derrière, on peut penser à la déforestation de l’Amazonie, donc à nos modes de consommation…