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Animaux… La neige comme refuge en hiver


Les végétaux ont développé diverses stratégies pour affronter la diversité des saisons, quelles que soient la température ou l’humidité. Les annuelles passeront la « mauvaise saison » sous forme de graines, avec le sol comme refuge. Quant aux arbres, arbustes et autres vivaces…

Mais pour les animaux les possibilités sont autres. Car beaucoup sont en capacité de se déplacer. Ainsi les hirondelles annoncent-elles le printemps, dit le dicton. L’une des possibilité offerte aux animaux est de migrer, tel le paysan d’autrefois qui montait aux estives offrir de beaux pâturages à ses animaux en été, et descendait passer la saison froide dans son refuge de la vallée. Mais pour les animaux qui restent hiver comme été au même endroit ?

paysage sous la neige
L’hiver sur le plateau casadéen (secteur autour de La Chaise-Dieu, Haute-Loire).

Un refuge isolé est requis… surtout pour bien « dormir »…

La neige, un excellent refuge

Il est facile de voir quelques traces d’animaux et d’humains sur la neige. D’observer des oiseaux fréquenter les mangeoires. Bref, de noter que même en plein hiver, il reste des traces de vie.

Mais au-delà, savez-vous que la neige, si elle est suffisamment épaisse, recouvre un écosystème où la vie est bien développée, tel un immense igloo ? Les écologues appellent subnivium l’espace dans lequel des espèces creusent des galeries, sous une épaisse couche de neige.

Subnivium, entre neige et sol

Lorsque la neige s’accumule sur plus de 20 cm de hauteur, un réseau de cristaux de glace se met en place. Lorsqu’ils sont bien espacés les uns des autres, des poches d’air se forment. La chaleur évacuée par le sol se retrouve emprisonnée à l’intérieur. Cela permet aux animaux et aux plantes de se protéger des conditions hostiles.

Kimberly Thompson (citée dans un article de Reporterre paru en janvier 2023.

Mais comment les observer ?

Des mammifères photographiés

Des chercheurs norvégiens ont mis au point un piège photographique. Associés à des capteurs infrarouges, ils ont installé leurs caméras dans des zones subarctiques où la couverture neigeuse dure environ 6 mois. Ils ont présenté leurs résultats dans un article paru en 2015. Sur la moitié des photographies apparaissait le campagnol de la toundra, Microtus oeconomus, un herbivore. Dans plus d’un quart, on pouvait reconnaître la musaraigne commune, Sorex araneus, un insectivore. Autre petit mammifère plus rarement aperçu, l’hermine, Mustela erminea, un carnivore. Dans 13% des photographies, les scientifiques ont noté la présence d’animaux autres que des vertébrés : insectes, araignées… Enfin, 2% des photographies montraient des oiseaux comme la mésange charbonnière.

Des grenouilles surveillées

Dans un article paru en 2016, des chercheurs américains montrent l’importance de la couverture neigeuse pour les amphibiens. Ils ont utilisé des techniques de radiotélémétrie et des enceintes de terrain pour surveiller la survie de la grenouille des bois tolérante au gel Lithobates sylvaticus. Ils ont modifié la couverture de neige pour déterminer l’effet du déneigement sur la survie hivernale. Ainsi, ils ont trouvé que les trois quart des grenouilles qui bénéficiaient d’une couverture de neige naturelle ont pu survivre. Mais en cas de déneigement, les chances de survivre à l’hiver étaient d’environ un cinquième. Cela montre que l’exposition à des conditions de température létales est la cause la plus probable de mortalité en hiver, plutôt que l’épuisement énergétique ou la dessiccation. Sous une épaisse couche de neige naturelle, la température reste constante, environ 0¨C. Mais sans neige, les animaux sont exposés à un froid glacial.

Mise en place et maintien du subnivium

Le subnivium est à l’interface entre le manteau neigeux et le sol. L’établissement et la désintégration du subnivium dépendent de la latitude, mais ce qui prime pour sa mise en place, c’est le moment des chutes de neige en début de saison. Le subnivium est le résultat d’un équilibre entre la température ambiante, l’épaisseur de la neige et la densité de la neige. (article paru en 2018 pour en savoir plus)

Dérèglement climatique et neige…

Des modifications quantifiables du climat hivernal

Les observations par satellite montrent que, depuis les années 1980, la couverture neigeuse devient moins épaisse, et fond un peu plus tôt. En effet, la fonte des neiges avance en moyenne de deux jours par décennie (source).

En France, les relevés montrent une augmentation de la température hivernale moyenne. Entre 1991 et 2020, la température hivernale moyenne atteignait 5,8 °C : 0,9 °C de plus qu’entre 1961 et 1990. Le nombre de jours de gel a quant a lui diminué. Par exemple entre 1961 et 1990, à Besançon (Doubs), la température était inférieure ou égale à 0 °C pendant en moyenne 72 jours. Désormais, on n’en décompte que 58, soit une baisse de 20 %. (source). Dans mon secteur d’Auvergne, à 1000 m d’altitude, les anciens se souviennent d’une couche de neige de 40 cm durant plusieurs mois. Désormais, on est plutôt à 15-20 cm par intermittence avec des périodes sans neige…

De plus, on observe des « sécheresses neigeuses ». Comme en été, il peut y avoir un manque de précipitations en hiver.

Une dégradation des refuges dans le subnivium

Entre sécheresse et réchauffement, l’absence d’abri dans la neige peut faire souffrir du froid bien des animaux. La mortalité hivernale risque dès lors d’augmenter…

  • Sécheresse et réchauffement climatique : la couche de neige risque d’être trop fine pour la mise en place du subnivium.
  • L’alternance d’épisodes neigeux et pluvieux en hiver est très problématique. En effet, la pluie peut s’infiltrer dans la neige puis, quand la température baisse, une couche de glace se forme. Des animaux peuvent y être piégés. De plus, la neige devenant plus dense perd ses propriétés isolante, il y fait plus froid.

Autre conséquence : moins de neige en montagne = moins d’eau pour alimenter sources et rivières au printemps, donc aggravation des épisodes de sécheresse…

Des sols davantage exposés au gel

Si la couverture neigeuse est insuffisante, le sol peut être exposé au gel.

La structure peut en être modifiée : Quand l’eau contenue dans le sol gèle, son volume augmente. Cela peut désagréger les mottes. L’agriculteur peut choisir d’utiliser cette caractéristique pour ameublir son sol sans labour. Mais ce n’est pas forcément approprié pour tous les sols.

Mais surtout, les divers habitants du sol, racines, micro-organismes, micro-faune du sol, peuvent être soumis à un gel auquel ils ne sont pas adaptés. C’est ce que montre une étude parue en 2017. Des chercheurs américains ont mesuré les effets, notamment, de la profondeur et de la durée réduites de l’enneigement hivernal, ainsi que de la fréquence accrue des cycles de gel-dégel du sol, sur l’érable à sucre Acer saccharum et sur de jeunes érables rouges Acer rubrum. Ils ont ainsi observé une augmentation des dommages aux racines et un retard de feuillaison. Mais au-dessus du sol, les branches ont été moins abîmées par les herbivores qui trouvaient plus facilement à se nourrir pendant les hivers avec un enneigement réduit. Au final, les réponses des plantes dépendent de changements de température du sol et d’interactions plantes-herbivores qui affectent différemment la surface et le sous-sol.

Et dans l’avenir ?…

Le risque dépend bien sûr de l’ampleur du réchauffement… Dans un article publié en 2021, des chercheurs américains se sont intéressé au déclin du subnivium. Pour modéliser ce qui se passerait dans la région des Grands Lacs selon différents scénarios de changement climatique, ils les ont recréé dans des serres automatisées.

  • Dans un scénario de réchauffement de +3 °C, ils ont trouvé peu de changement dans l’étendue ou la durée du subnivium.
  • Un scénario de +5 °C produirait par contre des réductions généralisées et marquées à la fois de l’étendue et de la durée.

Ces chercheurs pensent que le subnivium restera résilient tant que le réchauffement restera modéré. Mais ils prévoient des changements brusques et étendus en réponse au réchauffement hivernal accru, qui auront des conséquences écologiques et environnementales considérables dans les écosystèmes des hautes latitudes.

Quant à chez nous… En Auvergne on constate une disparition de la couche neigeuse une partie de l’hiver. Je parle d’une autre importance de la neige : Animaux camouflés : tenues de saison exigées !