logo

Site sur la nature, l'environnement, l'écologie. à l'échelle locale (Haute-Loire, Parc Naturel Régional du Livradois Forez, Auvergne), nationale (France) et globale (planète Terre).

Un p’tit cocktail pour votre cerveau ?


Toute la biodiversité baigne dans un cocktail de molécules agissant sur des mécanismes hormonaux. Cela contribue à l’érosion de la biodiversité par une recrudescence des cancers et une baisse de fertilité. Ici, nous allons nous intéresser aux effets sur le cerveau.

perturbateurs endocriniens et cerveau

« Quand on prend le sang du cordon ombilical chez un enfant qui vient de naître, on va trouver une centaine de produits chimiques qui sont présents et qui ne devraient pas être là. »

Barbara Demeneix, biologiste et professeure de physiologie au Muséum National d’Histoire Naturelle (source)

Environ 800 substances chimiques (source) ont des propriétés perturbatrices endocriniennes avérées ou suspectées. Toutes n’agissent pas sur la même hormone, les conséquences ne seront donc pas les mêmes.

Le distilbène, les dioxines, les bisphénols, les parabènes perturbent l’action des œstrogènes.

Les antidépresseurs aussi sont des perturbateurs endocriniens qui agissent sur la régulation des œstrogènes (source). Plus précisément, ils pourraient inhiber la production de GnRH, l’hormone hypothalamique qui régule l’hypophyse qui a son tour agit sur les hormones ovariennes (source).

antidépresseur et perturbations hormonales

Les personnes qui consomment des antidépresseurs en éliminent une partie via les urines. De là, les résidus médicamenteux parviennent dans les rivières et perturbent le comportement des animaux aquatiques (article).

Prise d'antidépresseurs

Paracétamol et autres antalgiques sont aussi des perturbateurs endocriniens. Ils provoquent une baisse de production de la testostérone mais également des prostaglandines ou encore de l’insulin-like factor 3 (facteur impliqué dans la descente des testicules). (source)

Les retardateurs de flammes, les pesticides organo-chlorés, le triclosan (article), les perfluorés (PFAs), toute molécule contenant de l’iode, du chlore, du fluor ou du brome, peut perturber le fonctionnement de la thyroïde, une glande essentielle présente dans le cou.

Les phtalates présents notamment dans les PVC bloquent l’effet de la testostérone, imitent les œstrogènes et modifient la production d’hormones thyroïdiennes.

Une vue d’ensemble…

Pour commencer, je vous propose une longue vidéo qui fait référence.

Demain, tous crétins Sciences ARTE from Claude Palandri on Vimeo.

Si je résume :

Au fil des dernières années on peut mesurer une baisse de QI, une augmentation des troubles attentionnels et autistiques. Pensons aussi, chez nos anciens, aux problèmes croissants de type alzheimer notamment. Cela semble corrélé à l’exposition croissante aux perturbateurs endocriniens. Et les humains ne sont pas les seuls concernés. C’est toute la biosphère qui est contaminée par ces substances chimiques.

Thyroïde & développement du cerveau

Comme le montre le film « demain tous crétins » partagé ci-dessus, le développement cérébral est très sensible au bon fonctionnement de l’hormone thyroïdienne. Une carence en iode, la présence de PCB, retardateurs de flammes, pesticides organo-phosphates agit, via le fonctionnement thyroïdien, sur le cerveau des bébés. Et c’est mesurable : QI, attention, caractéristiques autistiques. Par exemple sans apport en iode suffisant en début de grossesse, le risque pour la femme de mettre au monde un enfant déficient intellectuellement est élevé. Et en cas de grosse carence en iode, on parlera de crétinisme, une maladie qui se caractérise notamment par une déficience intellectuelle, mais aussi par une hypothyroïdie.

Les pesticides sont conçus, pour bon nombre, pour agir sur le cerveau des animaux indésirables… Il est illusoire de croire qu’ils n’agissent que sur eux ! Les pesticides organo-phosphates sont ainsi corrélés à un risque accru d’autisme si les épandages ont lieu près du domicile des femmes enceintes pendant le deuxième ou troisième trimestre de la grossesse. Le potentiel intellectuel des enfants est aussi statistiquement plus faible quand il y a eu exposition aux pesticides organo-phosphates in-utero.

L’impact est visible aussi quand on fait passer des examens en imagerie médicale aux enfants à l’adolescence alors que l’exposition avait eu lieu in-utero : les molécules ont agi sur la structure même du cerveau.

Les hormones thyroïdiennes sont les mêmes chez les humains et chez bien des animaux. Chez les amphibiens par exemple. Le cerveau des têtards aussi est perturbé !

Perturbateurs thyroïdiens

Œstrogènes et développement du cerveau

On peut montrer une différence entre cerveau masculin et cerveau féminin, sous l’influence des hormones sexuelles. Je développe le sujet dans l’article Trans… mode ou conséquence de la pollution ?

Dans l’article Le distilbène, scandaleux perturbateur, j’indique que les petits-enfant « des » ont plus de risques d’être concerné par un trouble neuro-développemental. Cela montre que l’effet sur le développement du cerveau existe au-delà de la génération en contact avec le perturbateur des œstrogènes.

Le cerveau des seniors…

Nous l’avons compris, pour les scientifiques, la recrudescence des problèmes neuro-développementaux (TDAH, autisme…) et la baisse de QI de nombreux enfants provient directement de la présence de perturbateurs endocriniens in-utero. Dans quelle mesure les seniors aussi sont-ils concernés ?

Le DDT, une histoire du passé ?

Le DDT est un pesticide qui fut longtemps utilisé et qui, ne se dégradant pas, reste dans l’environnement. Il se lie à plusieurs récepteurs œstrogéniques, mais aussi au récepteur de l’hormone folliculo-stimulante, une hormone produite par l’hypophyse nécessaire pour réguler les taux d’œstrogènes et progestérone.

Le DDT est omniprésent. Dès 1962, Rachel Carson en dénonçait les méfaits dans son livre « Silent Spring« , le printemps silencieux (cet article en raconte très bien l’histoire.).

Qui fut utilisé ? Qui est toujours utilisé… Pas dans les pays « riches » comme en France, certes. On continue d’utiliser le DDT pour tuer les moustiques et, ainsi, lutter contre le paludisme, dans quelques pays comme le Botswana (article).

La maladie d’Alzheimer

La maladie d’Alzheimer se caractérise par une dégénérescence du cerveau.

Les neurones sont les cellules du système nerveux qui permettent la circulation des messages nerveux. En cas de maladie d’Alzheimer, voici ce qu’on observe :

  • Les neurones dégénèrent en accumulant une protéine (tau) anormalement phosphorylée. Cela commence au niveau de la zone du cerveau impliquée dans la mémoire (hippocampe) puis cela se propage dans d’autres zones. On explique ainsi que la maladie commence par des pertes de mémoire. Puis, progressivement, d’autres fonctions sont atteintes : reconnaissance, motricité…
  • Des plaques amyloïdes se forment à l’extérieur des neurones. On y trouve une accumulation de protéine bêta-amyloïde (Aβ). Cela commence dans l’isocortex (couche externe des hémisphères cérébraux), puis l’hippocampe est atteint.

Le lien entre plaque amyloïdes, protéine tau phosphorylée, et dégénérescence ? (source)

  • Le peptide amyloïde s’accumule avec l’âge.
  • Il induit une augmentation de la phosphorylation de la protéine tau.
  • La protéine tau participe à la structure des neurones. Quand elle est phosphorylée, cela désorganise cette structure.
  • A terme, cela mène à la mort des cellules nerveuses.
Le DDT en cause dans la maladie d’Alzheimer ?

On suspecte le DDT d’être en cause dans cette terrible dégénérescence qu’on appelle « maladie d’Alzheimer ». Voici ce que des chercheurs montraient en 2014 (source) :

  • Quand on mange un aliment contenant du DDT, ou si on respire des poussières qui en contiennent, le DDT est partiellement métabolisé et stocké par les mammifères, sous forme d’un composé : le DDE.
  • A partir d’un certain seuil, le DDE stimule la production de nombreuses molécules indispensables à la formation de la protéine bêta-amyloïde.
  • Cette protéine serait ainsi impliquée dans la formation des plaques amyloïdes.

Ce serait l’une des causes, sans doute pas la seule. Dans l’important rapport d’expertise effectué en 2021 sur l’impact des pesticides, les spécialistes de l’INSERM montrent qu’on en sait peu sur le sujet. Mais s’il y a un insecticide qui pourrait être impliqué, ce serait le DDT via son métabolite, le DDE.

La disparition des oiseaux

Dans les années 1960, la biologiste américaine Rachel Carson mettait un garde contre le risque d’un « printemps silencieux ». Qu’en est-il ?

Entre les années 1980 et 2020, en une quarantaine d’années, plus de 600 millions d’oiseaux ont disparu d’Europe. Moineau domestique, bergeronnette printanière, étourneau sansonnet et alouette des champs font partie des oiseaux largement impactés (source). Les causes sont multiples, bien sûr. Disparition des habitats, perturbations du climat, mais aussi… larges épandages de pesticides tels que le DDT. Les oiseaux insectivores se retrouvent avec une moins grande abondance d’insectes pour se nourrir, et les insectes les moins vigoureux (donc faciles à attraper) sont des insectes contaminés par des insecticides…

Prenons pour exemple les mésanges. Une association belge a fait faire des analyses sur les poussins de mésanges mortes trouvés et récupérés. Ils ont ainsi pu découvrir 36 pesticides différents dans ces oisillons : fongicides, herbicides, insecticides et biocides. Ils ont aussi demandé l’analyse de 95 nids de mésanges : seulement 4 n’avaient aucune trace de pesticide ! Et 89 nids contenaient du DDT… L’insecticide est officiellement interdit en Belgique depuis 1974, l’analyse quant à elle date de septembre 2019 ! (source)

mésange bleue
Une aquarelle Crecolo 43 : mésange bleue
Action sur les écosystèmes

Chez les animaux, on sait que des doses élevées de DDT peuvent affecter le système nerveux, les reins, le foie et le système immunitaire.

Le DDT est très stable et persiste longtemps dans l’environnement. Il peut parcourir de longues distances dans l’atmosphère et se fixer dans des régions très éloignées de son point d’origine. Il y en a donc partout sur la planète. De plus, ce pesticide s’accumule dans les tissus des animaux, surtout dans le tissu adipeux et se concentre le long des chaînes alimentaires. Les animaux en fin de chaîne alimentaire sont par conséquent les plus touchés.

Par exemple l’impact du DDT sur le goéland est un « cas d’école« . Or il n’est pas insectivore. Il n’est donc pas concerné par les insectes tués par des pulvérisations de DDT. Mais il est en fin de chaîne alimentaire. Il mange des poissons qui en ont mangé d’autres qui ont quant à eux consommé du plancton vivant dans une eau contaminée par le DDT… Au final, le goéland accumule de grandes quantités de DDT. La femelle pond des œufs dont la coquille est fine, donc fragile. Et en conséquence, les couples ont moins d’oisillons. Cette baisse du taux de reproduction fait partie des menaces qui pèsent sur l’espèce. Sur la liste rouge des espèces de France métropolitaine, il est « quasi menacé ». Mais il est « vulnérable » sur la liste rouge des espèces du Nord Pas-de- Calais et de Poitou-Charente (source).

En 2013, un rapport s’inquiétait de l’impact des perturbateurs endocriniens chimiques sur la faune. On y évoque la diminution de la population de certaines espèces de loutres et d’otaries peut-être due aussi, en partie, à l’exposition au DDT et à d’autres polluants organiques persistants, ainsi qu’à des métaux tels que le mercure.

L’effet cocktail

LA question de l’effet cocktail concerne les interactions entre les différentes molécules présentes dans tous les organismes dès la vie embryonnaire. Même si chaque substance, isolée, a peu d’effet (voire aucun) à petite dose, que se passe-t-il quand elle est associée à d’autres produits ???

Un article paru en février 2022 s’intéresse aux méfaits des perturbateurs endocriniens sur le développement du cerveau. On y parle de l’exposition in-utero à un mélange de huit produits chimiques composé de phtalates, de bisphénol A et de composés perfluorés, qui provoque un retard d’acquisition du langage… L’idée sous-jacente de cet article est que, même si les niveaux d’exposition aux produits chimiques pris individuellement sont souvent inférieurs aux valeurs limites autorisées, leur mélange peut avoir des conséquences à long terme, ici mesuré par le langage du jeune enfant.

PXR

Les molécules chimiques se fixent sur des récepteurs cellulaires en fonction de leur affinité, déclenchant une réaction. Comme une clé dans une serrure, permettant l’ouverture d’une porte.

Un récepteur intéresse les chercheurs. Il s’appelle PXR : pregnane xenobiotic receptor, ou steroid and xenobiotic sensing nuclear receptor. X comme xénobiotiques, les molécules étrangères, non naturelles. Il est présent dans le noyau cellulaire : Son rôle est associé à l’expression des gènes impliqués dans les phénomènes de détoxification cellulaire. C’est essentiel ! Il protège l’organisme de l’accumulation d’agents toxiques endogènes et exogènes.

Exemple d’effet cocktail associé à ce récepteur (source).

  • Séparément, l’éthinylestradiol présent dans des pilules contraceptives et le trans-nonachlor (un pesticide organo-chloré) se lient seulement à forte concentration au PXR et l’activent peu.
  • Si les deux composés sont présents, la fixation du premier sur PXR favorise la fixation du second. La substance active de la pilule et le pesticide se stabilisent mutuellement sur le récepteur, provoquant une réaction nette dès les faibles doses.

Alors, un p’tit cocktail ?