Parmi les rois des champignons cueillis dans nos forêts figurent en bonne place les cèpes. Cèpes, bolets… savez-vous les identifier ? En connaissez-vous l’importance pour la santé de nos forêts ?
Bolétales et bolétacées
Je vous ai expliqué dans l’article sur la classification des champignons que les bolets sont des basidiomycètes. Allons plus loin dans la classification…
La famille : Bolétacées
Les champignons de la famille des cèpes et bolets (Boletaceae) sont faciles à identifier : Sous leur chapeau les cellules fertiles forment des tubes terminés par des pores, ces tubes se séparent facilement de la chair du chapeau (ce qui n’est pas le cas, par exemple, du polypore des brebis Albatrellus ovinus et des autres polypores du genre Albatrellus.). Quand on le coupe, on constate que la chair du pied et du chapeau sont dans la continuité l’un de l’autre.
Il existe 4 genres principaux dans cette famille. Les gros Boletus, les Suillus au chapeau visqueux, les Leccinum au pied couvert d’aspérités et les Xerocomus au pied sec (xeros = sec).
L’ordre : Bolétales
Un ordre contient plusieurs familles. Ainsi, à côté des classiques bolets à tubes, l’ordre des boletales comprend des familles de champignons à lames. C’est le cas des paxillacées. Les champignons du genre Paxillus peuvent faire penser à des pleurotes ou des lactaires.
Des cèpes et bolets comestibles
La plupart des bolets sont comestibles. Mais pour beaucoup c’est à condition d’avoir été bien cuits et, parfois, d’avoir épluché la « peau » du chapeau.
5 cèpes comestibles crus
- le cèpe de Bordeaux Boletus edulis,
- le bolet bronzé Boletus aereus,
- le cèpe réticulé Boletus reticulatus,
- le cèpe d’été Boletus aestivalis
- le cèpe des pins Boletus pinicola.
Ces champignons ont un « gros pied » et, quand on les coupe, ils ne changent pas de couleur. Ce sont de bons comestibles.
Des bolets à bien cuire
Plusieurs bolets sont toxiques crus du fait de la présence d’un poison destructeur de globules rouges, l’hémolysine. Cette substance toxique est sensible à la chaleur, la cuisson / dessication rend ces champignons comestibles. C’est le cas du bolet à pied rouge Boletus erythropus.
Des bolets à bien éplucher
Pour les espèces du genre Suillus comme le bolet granulé Suillus granulatus, il faut éplucher la cuticule amère et visqueuse du chapeau qui peut générer des troubles digestifs ; le guide sur les champignons édité par Larousse en 2013 indique que le bolet granulé devient comestible si on le pèle + cuit. Pour Didier Borgarino et Christian Hurtado (Guide des Champignons édisud 5ème édition 2016), ce champignon est à rejeter car laxatif. Ils classent néanmoins le bolet jaune Suillus luteus parmi les comestibles à condition bien sûr de peler le chapeau et de bien cuire le champignon.
Certains bolets sont à éviter !
De rares espèces peuvent provoquer des troubles digestifs violents. C’est en particulier le cas du bolet Satan Boletus satanas. Si vous voyez un gros champignon au chapeau convexe (jusqu’à 25 cm de diamètre !), au pied ventru jaune et rouge avec un réseau rouge sang, et puant la charogne à maturité, n’y touchez pas !
D’autres champignons sont à rejeter en raison de leur goût. C’est le cas du bolet amer Tylopilus telleus. Si vous voyez un champignon avec des pores couleur crème s’il est jeune, mais d’un rose profond à maturité et au pied marqué d’un fort réseau, laissez-le !
D’une manière générale, même pour les meilleurs, il faut rester modéré dans la consommation de champignon. Je vous en explique les raisons dans l’article La toxicité des champignons
Des champignons mycorhiziens
Ce qu’on appelle couramment « champignon » est son sporophore (ou sporocarpe) : l’organe qui porte les spores permettant la reproduction.
Sous terre un vaste réseau de filaments se développe : le mycélium. Ces fins filaments (hyphes) entrent en contact avec les racines de certains végétaux. Par exemple le mycélium du cèpe des pins s’associe au mycélium de certains arbres, en particulier des pins, pour le bénéfice réciproque de chaque espèce. Certaines associations sont relativement exclusives, par exemple le bolet élégant Boletus elegans tend à pousser uniquement avec des mélèzes.
L’association mycélium / racines peut s’organiser de diverses façons. Dans le cas des bolets / cèpes et arbres, le mycélium forme un manteau autour des racines, cette structure est appelée ectomycorhize. Le champignon est capable de décomposer la matière organique piégée dans le sol (en particulier sous les résineux). Il va ainsi pouvoir récupérer des nutriments tels que de l’azote, et les partager avec l’arbre auquel il est associé. L’arbre, mieux nourri, pourra mieux produire des sucres par photosynthèse et en fournir au champignon qui lui est associé.
Les champignons peuvent former des relations mycorhiziennes avec plusieurs arbres, ou des arbres et d’autres végétaux, les mettant ainsi en relation.
les mycorhizes jouent aussi un rôle protecteur pour les arbres. Par les substances qu’ils produisent, les champignons protègent les racines contre des agents pathogènes. De plus, en allant explorer le sol ils vont loin puiser de l’eau et aident ainsi les arbres à mieux résister à la sécheresse. On sait aussi que les champignons peuvent concentrer des substances toxiques et radioactives. Le bolet bai Imleria badia semble un champion en la matière, grâce à un pigment capable de fixer le césium 137, la norbadione A. (plusieurs thèses ont approfondi ce sujet). (cf article sur la toxicité des champignons).
La relation mycorhizienne bénéficie au champignon et à la plante associée. De plus elle influence l’ensemble de la vie dans le sol, ainsi que la structure du sol.
Cèpes et bolets : de bons aliments
Intérêt nutritionnel
D’un point de vue nutritionnel, la table ciqual nous donne la composition d’un cèpe cru :
- bien sûr, essentiellement de l’eau, entre 88,6 et 92 %.
- peu d’apport calorique : 100 g apporte en moyenne 133 kJ (31,6 kcal), 3,13 g de protéines, 3,03 g de glucides et 0,43 g de lipides.
- 1,2 à 2,5 g de fibres aux 100 g. On conseille aux adultes d’en consommer 25 g par jour, ça pourra y contribuer…
- Les apports en vitamines et minéraux ne sont pas négligeables. Les cèpes sont particulièrement riches en vitamine B3 = PP : entre 4 et 4,9 mg/100g (besoin nutritionnel moyen : 1,3 g/jour, référence nutritionnelle pour la population : 1,6 g/jour –source-).
Attention à la provenance de vos champignons, ils ont la capacité de concentrer pesticides, métaux lourds, Césium radioactif…
Côté cuisine
Si on est sûr de la qualité du cèpe, on pourra les manger crus en salades ou se contenter d’une cuisson brève, par exemple faire revenir un peu moins de 10 min à sec et à feu vif dans une poêle antiadhésive, finaliser la cuisson avec un filet d’huile d’olive, un peu d’ail et de persil. On peut aussi les cuire 5 min en brochette au grill.
Si vous avez un mélange de bolets cueillis en forêt, je vous suggère de préparer un velouté : fraichement cueillis en début d’automne, je les associe à de la courgette et de l’oignon ; une fois la saison de la courgette terminée, on peut choisir de marier les bolets à de la carotte, du poireau… Faire revenir les légumes dans une grande cocotte avant d’ajouter un peu d’eau. La cuisson étant longue, on peut la lancer de façon classique et la prolonger en marmite norvégienne. Bien mixer et servir parsemé de persil ; si vous n’êtes pas végétarien ou végane, je vous invite à y mettre des petits copeaux d’un bon jambon cru (j’ai la chance de pouvoir en acheter en direct d’un producteur local), Bon appétit !
Je vous conseille cette vidéo de Christophe de Houdy du chemin de la nature.
Et pour mieux connaître chaque espèce, munissez-vous d’un bon guide. Je vous conseille l’excellent Guide des Champignons de Didier Borgarino et Christian Hurtado, édisud : 900 espèces de champignons dont presque 70 espèces de cèpes et bolets auxquels on peut ajouter d’autres champignons de l’ordre des bolétales.
Cela ne remplacera pas bien sûr l’expertise d’un fin connaisseur.