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Sons, bruit & biodiversité


Dans cet article, je désire parler du monde sonore. Non, pas de musique, mais du bruit, une forme de pollution. Je vous renvoie à un autre article pour mieux connaître la biodiversité sonore : Le monde sonore, une composante méconnue de la biodiversité

Mais pour commencer, je vous invite à un petit jeu : installez-vous quelque part, par exemple dans un jardin, en forêt, au bord d’un lac, et écoutez… Vous pouvez transcrire ce que vous entendez sur papier. S⊙N⊙SYLVA, projet scientifique pour l’écoute des forêts, vous propose de télécharger et imprimer ce jeu en cliquant ici

Le bruit, une forme de pollution.

Côté humains…

L’OMS (Organisation mondiale de la santé) a mis le bruit parmi les facteurs de risques pour la santé. Un bruit excessif peut atteindre notre appareil auditif, il provoque des surdités précoces. Quant au bruit chronique, il nuit bien sûr au repos et, si le sommeil est altéré, les capacités à se concentrer et réfléchir diminuent. L’OMS a de plus des preuves indiquant que le bruit perturbe aussi la santé cardio-vasculaire.

Le bruit altère la santé

Le coût du bruit

Le Conseil National du Bruit (CNB) et l’Agence de la Transition écologique (ADEME) ont évalué le coût social du bruit en France : 147,1 milliards d’euros par an ! Bruit routier, bruit aérien, bruit ferroviaire, bruits de voisinage, bruit au travail… tout cela peut se traduire par une somme d’argent. Comment ? Le bruit génère des problèmes de santé, donc les personnes doivent consulter leur médecin, prendre des médicaments, parfois être confrontés à des accidents directement ou indirectement liés au bruit. Toutes ces dépenses peuvent être aisément quantifiées. Mais on peut aussi évaluer des « coûts non marchands » : années de vie en bonne santé perdues et mortalité prématurée du fait du bruit. (consulter l’étude).

Dans le milieu professionnel, le bruit peut provoquer des surdités mais aussi gêne, fatigue et stress. Cela a des répercussions sur la santé des employés et la qualité de leur travail. Port de casques anti-bruit, traitement acoustique des locaux, encoffrement des machines bruyantes, diverses mesures permettent d’en tenir compte. (Document pdf pour en savoir plus.)

Côté biodiversité…

Certes, tout un chacun a pu expérimenter la gêne dans un environnement sonore très bruyant. Certains pensent s’y habituer (c’est une illusion). On peut aussi contourner le problème avec l’isolation des bâtiments, la pause de fenêtres à triple vitrage, en portant des casques anti-bruit…

Mais la biodiversité… Dans l’actuel contexte d’Urgence planétaire, le bruit fait-il partie des problèmes ? En quoi le bruit pourrait-il gêner lichens, mousses, algues, fourmis ou papillons ?

le bruit : une pollution sonore

Bien des animaux communiquent grâce à des sons. Les oiseaux bien sûr, ont besoin de la communication sonore pour se reproduire notamment. Trop de bruit va altérer la communication entre mâle et femelle, parent et oisillons. Il risque donc d’y avoir moins d’oiseaux, génération après génération. Avec des impacts sur l’ensemble des chaînes alimentaires.

Est-ce tout ? Je vous propose d’écouter ici… des fourmis !

Beaucoup plus étonnant, des pépiniéristes qui enregistrent… la musique des plantes !!! Champignons et végétaux ont une organisation cellulaire différente de la notre, qui explique leurs particularités sensorielles. Mais de là à penser qu’on peut enregistrer leur musique… Pourtant la vidéo ci-dessous ne provient pas d’un inconnu illuminé qui aurait consommé, par exemple, des amanites, elle provient d’un média « sérieux » !

On peut ainsi comprendre que le bruit peut interférer avec la vie de nombreux êtres vivants, et faire partie des causes de l’érosion de la biodiversité. †

Mais alors que faire ?

Des actions contre le bruit

Que faire quand on est un élu ?

Il existe des lois à propos du bruit. Si vous êtes élu ou technicien, voici une boîte à outils pour prendre en compte le bruit dans vos projets d’aménagement.

peu de bruit dans le Livradois-Forez

Prenons pour exemple le Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) du Livradois-Forez pour 2020-2038. Un SCoT est un document d’urbanisme et de planification. Le rapport présentant l’état initial consacre un chapitre aux nuisances sonores. On y lit que « Le territoire du SCoT Livradois-Forez est très majoritairement en zone calme puisque seulement 23 de ses 102 communes (moins d’un quart) sont touchées par une infrastructure de bruit. » Dans un autre livret, on comprend que « Les nuisances sonores liées aux infrastructures de déplacement sont principalement localisées au nord du territoire sur l’A89, D2089 et D906. Ces nuisances sont prises en compte par des distances de retrait des habitations pour limiter leur incidence sur les populations. ». Dans un parc naturel régional, heureusement, on relève peu de nuisances sonores. Quoi que…

Beaucoup de Bruit dans le Val d’Oise
Bruit routier
Dans le Val d’Oise

Si j’avais choisi la partie du Val d’Oise soumise au bruit des avions de Roissy, il n’en aurait assurément pas été de même ! Même dans la belle vallée de Montmorency, la forêt régionale d’Ecouen ou la partie Sud du Parc Naturel Régional Oise Pays de France. Associations de riverains, élus, soignants, tous demande l’instauration d’un couvre-feu nocturne ! Voici à titre d’exemple un article datant de décembre 2022. Il y est question de la tribune parue dans Le Monde le 9 décembre 2022, signée par une centaine de professionnels de santé, la moitié venant du Val d’Oise. En voici un extrait :

1,4 millions de Franciliens vivent au-dessus de la limite établie par l’OMS pour le seul aéroport de Roissy-CDG. […] Les professionnels de santé s’inquiètent de l’espérance de vie des personnes riveraines des aéroports. Celle-ci serait menacée. « Les maladies cardio-vasculaires explosent avec, pour chaque augmentation de 10 décibels, un surcroît de mortalité évalué à 18 % et allant jusqu’à 28 % pour l’infarctus du myocarde », témoignent-ils au sein du communiqué.
À leurs yeux, la solution est simple pour y pallier : interdire les extensions aéroportuaires comme le préconise la convention citoyenne pour le climat, plafonner les vols à l’image du gouvernement néérlandais qui compte l’imposer à l’aéroport Amsterdam-Schiphol, respecter le couvre-feu nocturne et se conformer aux normes européennes « encore trop souvent ignorées ». « Il faut établir des plans de prévention du bruit dans l’environnement vraiment protecteurs », ajoutent les contestataires, fatigués que « la santé publique passe après les intérêts financiers ».

Que faire quand on est journaliste ?

Quand on est journaliste, on peut alerter, informer. La communication est au cœur de leur métier. Voici par exemple un épisode proposé par une journaliste du Monde.

Que faire quand on est artiste ?

Artistes ? plasticien, musiciens, photographes, écrivains… peuvent mener une action constructive pour notre planète. Les approches des artistes peuvent être complémentaires des travaux des scientifiques. Leur collaboration peut donner par exemple naissance à une belle exposition visant à sensibiliser le grand public au déclin de la biodiversité : Musicanimale, que l’on pouvait admirer de septembre 2022 à janvier 2023 à la cité de la Musique à Paris. Petit aperçu :

Une œuvre sonore Hybride pour dénoncer la pollution sonore

Caroline Boë est artiste sonore, compositrice et mène des recherches sur la pollution sonore, l’art relationnel et le web art. Sa sonothèque anthropophony.org est le point de départ d’une création « artiviste » qui cherche à dénoncer la pollution sonore de faible intensité et de fréquences constantes, des sons produits par des machines et que nous « filtrons ». Nous ne sommes plus conscients de leur existence. Caroline Boë veut les dénoncer et, par son engagement artistique, veut amener à une réflexion éthique. (présentation de la création).

Sensibiliser à la pollution sonore n’est pas réservée aux musiciens…

La baleine emblématique

Tout artiste peut créer une œuvre destinée à sensibiliser un public parfois important. Par exemple parmi les installations présentées à Montréal en 2021-2022 figure « Echo » de Mathias Gmachl. Il s’agit d’une représentation d’une baleine bleue, de la taille d’un baleineau de un an. L’âge où le baleineau commence à se séparer de sa mère et à nager dans le grand océan. Le plasticien a associé ce baleineau à des sons. C’est pour lui un point de départ pour communiquer, pour que le public ait des conversations sur l’avenir de notre planète. Pas seulement sur les baleines, mais sur toute la vie qui existe.

Savez-vous que le son voyage cinq fois plus vite dans l’eau que dans l’air ? Les espèces marines communiquent donc efficacement grâce aux sons. Mais l’expansion des ports, le transport maritime, les diverses plate-formes destinées à exploiter les ressources marines sont bruyants ! Ce bruit perturbe tous les animaux marins, des baleines jusqu’au plancton.

pollution sonore sous-marine

Le site canadien du wwf montre que ce pays a choisi d’être un leader dans la prévention de la pollution par le bruit sous-marin. Cela dit, comme pour la zone aéroportuaire autour de Roissy, les associations vont-elles réussir à créer des zones silencieuses ? Le WWF en est conscient :

La législation sur les protections marines n’inclut que très rarement des restrictions à la navigation et n’inclut jamais de restriction du bruit. À moins que la Stratégie sur le bruit dans les océans ne devienne juridiquement contraignante par des réglementations ou une autorité ministérielle, nous ne verrons probablement pas de région importante du point de vue biologique se libérer de la pollution par le bruit.

wwf Canada (source)

En conclusion

Je voudrais finir en citant ce qu’on pouvait lire à l’entrée de l’exposition Musicanimale.

Dans les premières mythologies, la musique humaine naît souvent de l’émerveillement éprouvé au contact de la nature et particulièrement d’une fascination pour le chant des oiseaux. Cette connivence profonde du règne animal et du genre humain s’exprime ici par la réunion de chants d’oiseaux du monde entier, comme autant d’allégories de la musique originelle. […]
Réintroduire ainsi l’homme dans la symphonie du vivant, c’est affirmer qu’il peut y avoir une interaction musicale entre humains et non-humains, et contourner ainsi les conceptions occidentales séparant les deux règnes. En restituant la multiplicité des intelligences qui relient, sur l’ensemble des continents, l’homme et les voix animale, l’exposition défend une forme d’écoute qui permette, à l’image de la diversité du réel, de « multiplier notre monde et nos manières de l’habiter »
(Vinciane Despret).

Exposition musicanimale