Pour comprendre de quoi on parle quand on emploie le mot Cambrien ou l’expression ère primaire, précisons comment les géologues définissent le temps…
Le « calendrier » géologique
Dans notre calendrier habituel, l’année est divisée en 4 saisons, mais aussi en 12 mois, en 52 semaines, en 365 jours… De même en géologie peut-on utiliser plusieurs unités de temps pour caractériser l’histoire de la planète.
Les saisons ? Les éons…
La plus grande subdivision du temps est l’éon. Nous avons vu dans l’article 01. L’apparition de la Vie sur Terre que les trois premiers éons correspondent au Précambrien (qui pourrait être un superéon) :
- l’Hadéen (de −4,6 à −4 milliards d’années) – très jeune Terre en formation
- l’Archéen (de −4 à −2,5 milliards d’années) – apparition de la Vie
- le Protérozoïque (de −2,5 milliards d’années à – 539 millions d’années) – apparition des eucaryotes, des premiers animaux.
Et depuis, nous sommes dans le quatrième éon :
- le Phanérozoïque
Les mois ? les ères
Le phanérozoïque est subdivisé en trois ères.
- Le paléozoïque (« ère primaire ») : paléo = ancien.
- Le mésozoïque (« ère secondaire ») : méso = milieu
- Le cénozoïque (« ère tertiaire » + « ère quaternaire ») : céno = nouveau
En effet, trois ères… Il y a une grande crise biologique entre deux ères. De grands bouleversements dans la biodiversité. Autrefois on dénombrait 4 ères. Or, la différence entre « ère tertiaire » et « ère quaternaire », c’était juste l’apparition d’un primate particulier, l’être humain… Certes cet être humain provoque de grands bouleversements dans la biodiversité, de là à créer une ère spécifique…
Systèmes (périodes), époques, âges (étage)
Chaque ère est ensuite subdivisée. Par exemple depuis 2009 le quaternaire dans lequel nous vivons est, pour les géologue, le troisième système de l’ère Cénozoïque. L’Ediacarien dont nous avons parlé (02. Les premiers « animaux ») est le dernier système de l’éon protérozoïque.
Et pour en revenir au Cambrien annoncé en titre : c’est le premier système de l’ère paléozoïque, au début de l’éon Phanérozoïque. Un schéma peut-être ?
Une « explosion » de la vie végétale et animale marque l’ère Paléozoïque (540 à 245 millions d’années). Au Cambrien, de 539 à 485 millions d’années, on voit tout d’abord apparaître une grande diversité de vie dans les océans…
La « valse des continents » au Cambrien
Vers la fin du Protérozoïque, il n’y avait qu’un vaste continent proche du pôle Sud : Parrotia. Plusieurs masses continentales, la Laurentia par exemple, s’en sont détachées. Progressivement l’Océan Iapétus s’est ouvert entre Laurentia et Gondwna grâce à la probable existence d’une dorsale médio-océanique (comme dans notre actuel océan Atlantique). Cette dorsale, active, libère des minéraux dans l’océan.
Les schistes de Burgess
L’océan Iapétus s’ouvrait grâce à l’étalement des fonds océaniques à partir de cette dorsale. De chaque côté, des terres émergées bordées par un plateau continental où la mer est peu profonde et où des sédiments se déposent. Les scientifiques ont ainsi pu reconstituer que, sur le plateau continental de Laurentia, se déposaient des sables, boues, calcaires. Des fonds peu profonds donc bien éclairés, dans une zone proche de l’équateur donc plutôt chaude : Des conditions idéales au développement des algues et autres organismes photosynthétiques. Donc au développement des chaînes alimentaires.
A leur mort, les divers êtres vivants se sont déposés sur les fonds marins. Et ils ont été incorporés dans les sédiments. Plus au large, des quantités énormes de sédiments provenant de l’érosion de la chaîne de Grenville se déposaient au pied du talus continental, sur ce que les spécialistes des océans appellent le glacis.
De ce monde proche de l’équateur, au large de la Laurentia proviennent les exceptionnels gisements Canadien retrouvés dans les « schistes de Burgess », datés de 505 Millions d’années (site sur les schistes de Burgess).
Les gisements français
En France, la montagne Noire et les Pyrénées sont des restes appartenant à la marge continentale du Gondwana. Une formation dans le Minervois montre les caractéristiques d’un delta.
Les schistes de Chengjiang
Autre site essentiel. Les schistes de Chengjiang en Chine ont 525 Ma. Les spécialistes y ont découvert plus de 180 espèces de métazoaires. Il s’agit à 40% d’arthropodes. 13% des animaux trouvés sont des éponges. Vivaient aussi quelques chordés (source). A l’époque, ce site marin peu profond était proche de l’équateur.
(source : MNHN).
Des inversions du champ magnétique
Nous venons de voir que la « valse des continents » avait généré des sites favorable au développement de la biodiversité. Un autre facteur est à prendre en compte pour expliquer l’ »explosion cambrienne ».
L’étude des roches permet aux géologues de reconstituer le champs magnétique terrestre. Stable pendant l’Ediacarien, il montre de fréquentes inversions à la fin du Protérozoïque et au début du Cambrien. Or, à chaque inversion, le champs s’annule. Dès lors, la biosphère est exposée aux particules solaires : Cela augmente la fréquence des mutations, qui fait partie des mécanismes impliqués dans l’apparition de nouvelles espèces.
Coévolution : une « course à l’armement »
Regardons ce qui se passe dans le monde animal lors de cette « explosion ». On voit d’un côté apparaître des animaux protégés par une coquille ou un exosquelette, avec des pattes de plus en plus efficaces pour s’enfuir, et de l’autre des prédateurs de mieux en mieux « armés ». Exemple ?
Le plus grand prédateur du Cambrien
Voilà un animal préhistorique remarquable. Anomalocaris canadensis pouvait mesurer 1 mètre de long. Des yeux pour repérer ses proies ; la capacité de nager ; des appendices pour attraper les proies ; enfin une bouche puissante, capable de broyer certaines carapaces. Assurément bien armée cette « étrange crevette du Canada » (c’est ce que veut dire son nom scientifique) !
50 millions d’années essentiels pour la Faune
Le Cambrien a duré 50 millions d’années. De très nombreuses formes animales sont apparues. Je ne vais pas en faire ici la liste ! Les scientifiques considèrent que tous les embranchements d’animaux actuels ont leurs premiers représentants à cette époque. Y compris des chordés dont font partie les Vertébrés. Le plus connu est le fossile d’un animal ressemblant à une anguille très primitive, ayant vécu il y a 505 millions d’années. Les paléontologues l’ont appelé Pikaia.
Et sur les continents ?
Comme l’explique Marc-André Selosse dans son livre Jamais seul paru en 2017 aux éditions Actes Sud, il y a 500 millions d’années, à une époque appelée le Cambrien, les continents étaient un quasi désert. Les roches étaient au mieux couvertes d’un biofilm formées d’un mélange de microbes : algues microscopiques photosynthétiques associées à des bactéries et des champignons.
On pense actuellement que l’ancêtre commun à tous les végétaux terrestres est une algue qui a pu sortir de l’eau grâce à des interactions avec des champignons de type glocéromycètes. On explique l’apparition tardive des végétaux sur les terres émergées par le temps nécessaire à la mise en place d’une symbiose algue – champignon. Quant à l’absence de racines des premiers fossiles, elle s’explique parce qu’ils reposent complètement sur leurs champignons pour exploiter le sol. Autrement dit, les premiers colonisateurs des continents sont les ancêtres des actuels lichens.
La fin du Cambrien
Chaque période géologique présente des caractéristiques bien marquées dans sa biodiversité. A la fin, on note une extinction plus ou moins importante, laissant de nombreuses niches écologiques libres. Permettant l’émergence de nouvelles formes de vie ensuite.
Ainsi, le Cambrien se termine, il y a environ 488 millions d’années, par une extinction massive. De nombreuses espèces de trilobites et de brachiopodes disparaissent.
Pourquoi ? La fin du Cambrien est marquée par une glaciation (provoquée par ???). Le très grand continent Gondwana, au pôle Sud, porte une immense calotte glaciaire. Le niveau de l’océan aurait baissé de 100m, au profit de nouveaux continents émergés. La circulation océanique aurait ralenti.
On peut aussi lire qu’il faisait très chaud au début de l’ordovicien. Or plus l’eau est chaude, moins elle est oxygénée (anoxie). Donc invivable pour beaucoup d’organismes. Il y aurait eu aussi une moins bonne oxygénation de l’eau.
Cela se passait il y a environ 488 millions d’années, et a duré plusieurs milliers d’années… L’étude reste complexe et affaire de spécialistes. Certains avancent qu’il n’y a pas eu d’extinction massive mais migration massive vers le pôle Sud. Chaque nouvelle découverte de site fossilifère permet d’affiner les connaissances…
Les raisons ne sont pas totalement élucidées. Une chose est sûre : la diversification du monde vivant va pouvoir se poursuivre. 05. Ordovicien : Biodiversification