Apparus au Silurien, l’époque où les ostracodermes dominaient, c’est au Dévonien que vont dominer les « poissons » possédant des mâchoires (les gnathostomes). En particulier les placodermes. Des « poissons » à l’apparence très archaïque, apparus 100 millions d’années après les premiers vertébrés
D’impressionnantes mâchoires
Ces « poissons cuirassés » possédaient des mâchoires se terminant par des excroissances osseuses. On peut en voir un impressionnant moulage à la galerie de paléontologie du muséum d’histoire naturelle à Paris.
Une plaque supérieure « superognathale » venait s’appuyer sur l’os de la mâchoire inférieure, « l’inferognathal ». Cela formait comme une paire de ciseaux puissants, capable de broyer les poissons coriaces comme les ostracodermes… Surtout quand on sait que certains placodermes pouvaient mesurer plus de 8 m de long. Alors que les ostracodermes étaient de petits animaux.
Des vertébrés à fécondation interne
Depuis une cinquantaine d’années, on accumule les indices prouvant que les placodermes s’accouplaient et avaient une fécondation interne.
Pour commencer, en 1967, un paléontologue découvre des différences morphologiques majeures entre le mâle et la femelle d’une espèce de placodermes. Ses observations suggèrent la présence d’appareils génitaux adaptés à une fécondation interne.
Des embryons fossiles
La formation australienne Gogo est un récif de corail fossile où on a trouvé 45 espèces de poissons de la fin du Dévonien (385 à 375 millions d’années).
John Long, paléontologue australien, a identifié en 2008 des embryons au sein de spécimens de trois espèces de placodermes de Gogo. Il en est certain. En effet, les minuscules plaques issues de la même espèce trouvées dans les cavités abdominales de ses spécimens ne sont ni mélangées avec des os d’autres espèces, ni ne portent de traces de morsures ou d’attaques par les sucs gastriques, ce qui serait le cas si elles provenaient du contenu stomacal.
Ainsi, la fécondation des placodermes était interne. On se demande s’ils étaient vivipares. En effet, on sait qu’il y a eu fécondation interne, et que le développement embryonnaire s’est prolongé jusqu’à un stade avancé dans le ventre de la mère. Ce sont les plus anciens embryons connus.
Je vous conseille cette vidéo. John Long nous y explique sa préparation des « cailloux ». Il les a fait baigner plusieurs mois dans de l’acide. Cela lui a permis de découvrir un placoderme contenant un embryon. Il a même pu voir le cordon ombilical fossilisé !
L’accouplement des placodermes
Depuis, les scientifiques réexaminent leurs fossiles pour trouver la trace d’attributs sexuels caractéristiques d’une fécondation interne. En l’occurrence, chez les placodermes, un double pénis en forme de T inversé situé juste sous les nageoires postérieures (ou pelviennes).
On peut lire dans un article de 2014 comment le placoderme Microbrachius dicki, procédait à son accouplement. Les carapaces articulées rendent a priori impossible la position du missionnaire (que l’on retrouve chez la raie ou le requin actuels). La pénétration se fait côte à côte, de profil. Les deux partenaires s’inclinent pour permettre la pénétration du pénis horizontal dans l’orifice de la femelle. Les nageoires pectorales, sortes d’appendices ossifiés évoquant des pattes de crabes, leur servaient probablement à rester accrochés ensemble pendant l’acte sexuel.
Le plus vieux cœur
Un article paru dans Science en 2022 relate une autre découverte paléontologique. En effet, en étudiant les fossiles de Gogo, les chercheurs ont pu déterminer que les placodermes possédaient un cœur semblable à celui des requins.
Les spécialistes ont aussi pu analyser les organes de divers placodermes du Dévonien, préservés en trois dimensions. Ils notent des changements dans les formes et positionnement du cœur, du foie à 2 lobes et des intestins associés à l’évolution des mâchoires et du cou. Enfin, les fossiles montrent que les poumons sont absents, réfutant l’hypothèse selon laquelle les poumons sont ancestraux chez les vertébrés à mâchoires.