Comme les lichens, mousses et hépatiques sont des êtres vivants capables de coloniser des roches, murs, troncs d’arbres… Ces organismes végétaux forment ce que les scientifiques appellent la bryoflore. Avec 1320 espèces, la France est le pays d’Europe qui abrite la bryoflore la plus riche.
Portrait d’ensemble avant de définir leur place dans la classification des êtres vivants.
La bryoflore : mousses et hépatiques
Les mousses et hépatiques et autres plantes de la bryoflore sont de petites plantes constituées de tissus différenciés mais sans appareil vasculaire vrai. Elles n’ont pas de racines mais des rhyzoïdes de taille millimétrique. Elles peuvent former un tapis étendu, mais elles ne poussent jamais en hauteur. La plupart mesure 1 à 2 cm de hauteur. Les plus grandes sont des mousses aquatiques comme Fontinalis, qui peut atteindre 70 cm. Cette petite taille est à corréler avec l’absence de tissus de soutien lignifiés et de tissus conducteurs évolués. L’absence de lignification n’exclut pas la polymérisation de polyphénols, mais elle reste discrète. Quant à l’incrustation des parois, elle est minime.
cycle de vie
Le cycle de vie des mousses et hépatiques et plantes voisines est très différent du notre ou de celui des plantes à fleurs. C
Le stade gamétophytique est à n chromosomes, c’est le stade haploïde qui correspond à la partie feuillée. Quand la spore a germé, on peut observer le développement d’un protonéma, c’est un stade filamenteux d’où émergera le gamétophyte. Progressivement, des organes sexués se forment, les gamétanges, d’où naîtront les gamètes.
Après fécondation se développe le sporophyte à 2n chromosomes qui, par méiose, donne naissance aux spores à l’origine du gamétophyte.
Place des mousses et hépatiques dans la classification
Autrefois, on mettait champignons et végétaux dans le même grand groupe des végétaux : des organismes immobiles. On différenciait alors les « végétaux supérieurs » (plantes à fleurs, conifères) des « végétaux inférieurs » où on regroupait champignons, lichens, algues, mousses, hépatiques et fougères.
Aujourd’hui, la classification des êtres vivants se fonde en grande partie sur des critères microscopiques, chimiques et génétiques. Ainsi, les champignons sont-ils plus proches des animaux que des végétaux et les lichens étant en grande partie des champignons sont classés parmi eux. Qu’en est-il des mousses et hépatiques ?
Le thalle est un appareil végétatif indifférencié, ne comprenant ni tige ni feuille. On peut l’observer chez les algues, champignons et lichens ainsi que chez des hépatiques. Autrefois, on les regroupait dans un même ensemble, celui des thallophytes, qui n’a aujourd’hui aucun sens au regard de la classification phylogénétique des êtres vivants.
Les mousses quant à elles, comme les fougères, conifères et plantes à fleurs, possèdent des feuilles bien identifiables. Mais si fougères, conifères et plantes à fleurs possèdent des vaisseaux dans lesquels la sève peut circuler ainsi que des racines, les mousses n’ont pas d’appareil vasculaire vrai, et en place de racines leurs rhyzoïdes de taille millimétrique ne peuvent exploiter que la partie superficielle de leur milieu.
Autrefois, on regroupait mousses et hépatiques dans un même ensemble, celui des bryophytes, dépourvus de système vasculaire. Dans la classification actuelle des êtres vivants (Système d’information taxonomique intégré = ITIS, 2018), les hépatiques appartiennent au groupe des Marchantiophytes, tandis que les Bryophytes sont les mousses et sphaignes.
Les hépatiques
La photographie montre une hépatique : Radula complanata. On voit bien que cette plante ne développe pas vraiment de tige et de feuilles différenciées comme les mousses, mais un thalle qui s’accroche à l’arbre. Les hépatiques se développent dans des milieux suffisamment humides, par exemple j’ai photographié cette hépatique non loin d’une rivière, sur la commune de Sembadel en Haute-Loire.
Mais en fait… c’est un monde relativement diversifié. Vincent Hugonnot vient de faire paraître le premier volume de son ouvrage sur les Bryophytes de France. Il y présente 312 Hépatiques : 85 hépatiques à thalle et 227 hépatiques à feuilles.
Et quand on parle d’hépatique à thalle complexe, il ne faut pas penser thalle primaire et thalle secondaire comme chez les lichens à thalle complexe. Il s’agit d’hépatique telle que Magna frangrans, une hépatique thaloïde avec une structure interne complexe.
Les mousses
Une mousse est constituée d’une tige feuillée appelée le gamétophore = gamétophyte.
Comme les champignons ou les fougères, leur reproduction repose sur la formation de spores. Le gamétophyte porte un organe reproducteur que l’on nomme gamétange. Après fécondation, apparaît sur le gamétophyte une soie portant l’urne à spore : le sporophyte. Chez les mousses acrocarpes (du grec akron, sommet et karpos, fruit), les organes sexués se forment à l’extrémité des tiges principales, dont la croissance est arrêtée, au moins pour un temps. Au contraire, chez les mousses pleurocarpes, les organes permettant la reproduction se forment latéralement.
remarque concernant le vocabulaire
Petite remarque concernant le vocabulaire employé pour décrire les bryophytes. Il est souvent issu du vocabulaire des plantes vasculaires, mais est bien souvent impropre.
Par exemple on parle de stomates chez les mousses, mais elles n’ont rien à voir avec les stomates présents sur les feuilles des végétaux vasculaires. En fait ces stomates ne sont présents que sur les sporophytes et servent à la déhiscence des capsules. Les hépatiques quant à elles n’en ont pas, on peut observer des pores sans mouvement.
Autre exemple, on parle couramment de feuilles, en réalité on devrait employer le terme colloïde, car ce qui ressemblent aux feuilles n’en est pas vraiment d’un point de vue botanique.
Les mousses & l’eau
Les mousses sont très dépendantes de l’eau, à cause notamment de l’absence de racines et de tissus conducteurs. L’absorption de l’eau se fait par les rhizoïdes, ainsi que par capillarité sur toute la surface de la plante : elle est rapide mais fugace.
Pourtant, les mousses sont présentes dans des stations sèches telles que des murs. En effet, elles ont la propriété de pouvoir entrer en vie ralentie pendant les période de sécheresse et d’être ensuite reviviscente. De plus, la disposition des colonies en coussins ralentit la déshydratation.
Gardons néanmoins que cette faculté à ses limites et dépend des espèces.
exemple de mousse acrocarpe
Une mousse argentée, Bryum argenteum.
Ses feuilles ovoïdes se rétrécissent progressivement et se recouvrent partiellement comme les tuiles d’un toit de telle manière que la tige feuillée, petite, prend l’aspect d’un chaton. C’est une espèce pionnière, ubiquiste, cosmopolite, qu’on peut voir sur des murs, entre des pavés.
Comme tout être vivant, une mousse comme une hépatique interagit avec son milieu. L’impact des mousses fut particulièrement important au début de leur colonisation des continents. Elles sont en effet impliquées dans la première crise biologique, pendant l’ère primaire : la crise ordovicien silurien.
Les Anthocérotes
Pour être complète, il me faut mentionner aussi les anthocérotes.
Les anthocérotes, comme les hépatiques, sont des plantes thalloïdes. Elles sont composées d’un thalle et d’un sporophyte. En France on trouve 5 espèces, souvent dans les champs cultivés après la moisson. Vincent Huguonnot explique que leur présence dépend d’une pratique agricole : les éteules. Quand la moisson faite, il s’agit de ne pas retourner tout de suite le champ, laisser les chaumes sur le champ. Avec le labour pratiqué rapidement après la moisson, les anthocérotes disparaissent. En milieu naturel les anthocérotes se développent sur les berges de ruisseau temporaire. Les 5 espèces sont en voie de disparition.
Des mousses et hépatiques sur liste rouge
On estime qu’il existe entre 15.000 et 25.000 espèces de mousses et hépatiques dans le monde. Quand on va sur le site de l’INPN, on ne trouve pas de liste rouge nationale des mousses menacées. On peut par contre consulter des listes régionales. Ainsi, 883 espèces et sous-espèces (657 mousses, 222 hépatiques et 4 anthocérotes) vivent en Auvergne (soit près des trois-quarts de la bryoflore de France !). Mais… près de la moitié des espèces sont considérées comme menacées. Treize espèces sont d’ores et déjà considérées comme disparues de la bryoflore régionale. Quant à Radula complanata et Bryum argenteum présentés plus haut dans l’article, ce sont des espèces classées dans la catégorie LC : préoccupation mineure. Mais parmi les mousses du genre Grimmia, certaines espèces sont en danger critique. Peut être même ont elles récemment disparu.
L’altération de leur habitat.
La liste des menaces qui pèsent sur les mousses et hépatiques est longue…
- l’intensification des pratiques agricoles,
- l’urbanisation galopante,
- la pollution des nappes phréatiques,
- la régularisation des cours d’eau,
- la pollution atmosphérique,
- La sécheresse (les capacités de reviviscence des mousses n’est pas infinie. Les hépatiques y sont davantage sensibles).
La forêt abrite la plupart des bryophytes d’Auvergne. Une très grande proportion y est directement inféodée. Selon les choix de gestion forestière…
Les habitats rocheux, tout aussi importants, sont également soumis à un impact anthropique fort.
Les marais et les tourbières sont soumis à des pressions fortes. Cela impacte particulièrement les sphaignes.
Je vous conseille ce lien pour avoir plus de détails sur les mousses et hépatiques d’Auvergne.
Parmi mes sources sur les mousses et hépatiques
- Le guide des fougères, mousses et lichens d’Europe de H.M. Jahns, publié en 1996 aux éditions Delachaux et Niestlé.
- Le deuxième tirage des Bryophytes du centre-ouest de R.B. Pierrot, édité par la société botanique du Centre Ouest. Y sont recensés 56 genres d’hépatiques et 140 genres de mousses.
- Vous trouverez ici les ouvrages et publications de Vincent Hugonnot.