On appelle lichen foliacé un lichen dont le thalle est en forme de feuilles plus ou moins lobées. Il est le plus souvent attaché à son support par un seul point d’attache : il est donc asses facilement détachable.
Christian Hurtado et Françoise Livet ont rédigé un guide de terrain : Lichens foliacés de France, publié en 2021 par la société mycologique, botanique et lichénologique d’Auvergne. Cet ouvrage richement illustré décrit 196 des 284 espèces et variétés répertoriées en France (et toutes présentes dans les clés de détermination).
Pour commencer, on regarde globalement le thalle.
Commençons par regarder la couleur. Beaucoup sont plus ou moins gris ou brun. Mais 4 genres se repèrent à leur couleur jaune ou orange : Xanthoria, Xanthomendoza, Candelaria, Cetraria.
S’il n’est pas jaune / orange, on regarde s’il est ombiliqué, c’est-à-dire plus ou moins circulaire et fixé par un élément central plus sombre. Trois genres sont alors possibles : Peltula, Umbilicaria, Dermatocarpon.
Si ce n’est pas le cas, on regarde la taille du thalle et des lobes du lichen foliacé.
Prenons quelques exemples.
Station d’observation
Un vieux cimetière est un endroit idéal pour l’étude des lichens. En effet, les pierres tombales anciennes sont propices au développement des espèces saxicoles (qui se développent sur les roches). Tandis que les arbres offrent un support aux espèces corticoles (qui se développent sur écorce). Les espèces lignicoles enfin peuvent pousser sur le bois mort qui a perdu son écorce.
Nous sommes allé observer des lichens dans le vieux cimetière de Saint-Arcons d’Allier (43). Il surplombe les gorges de l’Allier, avec, de l’autre côté des gorges, les Monts de la Margeride. La ville la plus proche est Langeac, à 5 km à vol d’oiseau. Ce cimetière est sur un point haut de la commune, à environ 1000 m d’altitude, tandis que l’Allier coule à une altitude de 500 m.
Un lichen foliacé aux couleurs vives
Notre regard peut être d’abord attiré par des lichens vivement colorés. Mais si on regarde bien, le lichen est bien jaune au soleil, ce n’est pas le cas à l’ombre.
Ce lichen est facilement détachable du support : c’est un lichen foliacé.
Pour déterminer le genre, il faut ensuite mettre une goutte de potasse (réactif K) : s’il donne une réaction pourpre, il appartient au genre Xanthoria ou Xanthomandoza. Sinon il appartient au genre Candelaria ou Cetraria. Ici, on a une réaction K+ pourpre.
Dans le guide des lichens foliacés de France, 14 espèces et sous-espèces de Xanthoria et 7 de Xanthomendoza sont répertoriées. On doit observer les lobes. Ici, ils sont bien visibles, assez appliqués au substrat, assez larges. Nous n’avons pas vu d’isidies ni de soralies mais des apothécies. Cela nous amène à trouver qu’il s’agit de l’espèce Xanthoria parietina, avec deux formes : une au soleil et une forme d’ombre.
Cette espèce commune vit sur tout type de support, ici elle est sur roche dans un lieu peu pollué, mais on aurait tout aussi bien pu la trouver sur un bout de bois en bord de route ou sur un autre support près d’un élevage car elle est nitrophile.
Pour finir, quelques mots sur l’association symbiotique. Le champignon Xanthoria vit avec une algue Trebouxia. Leur association permet de faire émerger de nouvelles propriétés chimiques. Le pigment jaune/orange principal des Xanthoria est la pariétine. Il se dépose en cristaux dans leur cortex. Il réagit en rouge-pourpre avec la potasse, K. Ce composé protège le photobionte des fortes intensités lumineuses, en particulier des UV. La quantité de pariétine dans le cortex varie fortement en fonction de l’éclairement, d’où la différence de couleur observée entre les deux formes. Enfin, la pariétine protège aussi le lichen des attaques des brouteurs et insectes amateurs de lichens.
Un petit lichen foliacé
Physcia phaea
Près du lichen Xanthoria parietina dont je viens de parler, nous voyons un petit lichen gris.
Comme le précédent, il se détache facilement, c’est un lichen foliacé.
On voit que le thalle est appliqué au substrat. Si on avait une lampe UV, on ne verrait pas de coloration jaune (caractéristique du genre Pyxine), il ne se passerait rien. L’étape suivante de la détermination supposerait d’observer la médulle, cette zone à l’intérieur du lichen qui ne contient que des filaments du champignons. La médulle est entièrement blanche. Au microscope toujours, on pourrait observer que le cortex de la face supérieure est constituée de filaments de champignons non parallèles à la face supérieure. En présence de potasse, ce cortex se colore en jaune : il est noté K+. Au final, il s’agit d’un lichen du genre Physcia.
Poursuivons en cherchant de quelle espèce il s’agit. Il en existe 17 en France, sans compter les variétés.
Il est bien appliqué sur le substrat, n’a pas de cils, nous ne voyons pas non plus de soralies ni d’isidies, en revanche les apothécies sont nombreuses. Ces apothécies sont les organes du lichen permettant sa reproduction sexuée.
Enfin, nous sommes en moyenne montagne et il est sur une pierre tombale, on peut donc le qualifier de saxicole. Par conséquent il s’agit de Physcia phaea. Un lichen saxicole lui ressemble mais pousse en bord de mer, il s’agit de Physcia mediterranea.
Autre Physcia saxicole
On peut observer d’autres espèces de Physcia sur d’autres tombes et croix.
Voici un lichen qui, comme le premier, n’a pas de cils et est appliqué au substrat rocheux. Mais cette fois ci, il faut bien chercher pour voir une apothécie. Par contre, on voit des zones plus sombres vers le centre du thalle. Il s’agit des soralies. Comme elles sont sur la face supérieure du thalle, on dit qu’elles sont laminales.
Ce n’est pas toujours ainsi. Par exemple si on observe Physcia tribacia, on remarque des soralies situées surtout sous le bord des lobes ainsi qu’à l’extrémité des thalles. On qualifie alors les soralies de marginales et terminales.
Ces soralies sont des déchirures du cortex permettant de libérer les sorédies, petits grains mêlant champignon et algue et permettant la multiplication végétative du lichen.
Autre caractéristique, on remarque des macules sur les lobes du lichen. Il s’agit de zones décolorées, sans algue.
Ce lichen appartient à l’espèce Physcia caesia.
Un Physcia corticole
D’autres Physcia poussent sur du bois. En voici un exemple.
Par exemple sur un morceau de bois on remarque un petit lichen foliacé très différent des précédents. En effet son thalle pourvu de cils marginaux se détache de son support. Les lobes sont relativement dressés. On n’y voit pas d’apothécies. Ce lichen s’appelle Physcia adscendens : aux lobes ascendants. Physcia tenella lui ressemble, mais ses lobes sont plats. Enfin, le thalle de Physcia leptalea est aussi pourvu de cils marginaux, mais on peut y voir de nombreuses apothécies. Ces trois espèces sont corticoles, mais on peut aussi les observer parfois sur des roches.
Pour se multiplier, Physcia adscendens a des soralies à l’extrémité des lobes.
Un lichen foliacé de taille moyenne
Pour finir notre découverte des lichens foliacés, je vous propose d’observer un lichen de taille moyenne (quand il est adulte, bien sûr les jeunes peuvent être petits).
Nous voyons un lichen foliacé gris de taille moyenne : le thalle mesure entre 4 et 10 cm de diamètre et les lobes sont relativement larges.
La face inférieure est noire. Si on regarde bien, on voit par ci par là comme un petit « poil » : une rhizine, qui participe à la fixation du lichen sur son substrat.
Poursuivons nos observations en regardant sa couleur quand il est humide. Il ne devient pas gris bleu foncé. La symbiose n’est pas avec une cyanobactérie (parfois aussi appelée « algue bleue ») mais, comme les lichens précédents, avec une algue verte. La différence ? Une cyanobactérie est une bactérie, c’est-à-dire que dans ses cellules, aucun noyau ne contient le matériel génétique. Au contraire une algue verte fait partie des eucaryotes, dont le matériel génétique est dans un noyau. Mais les deux possèdent de la chlorophylle qui capte la lumière pour produire des sucres par photosynthèse.
Le thalle est plus gris que dans des nuances de vert à gris jaunâtre. Ce n’est donc pas un lichen du genre Cetraria, Xanthoparmelia, Flavoparmelia…
On n’observe pas de réseau de pseudocyphelle comme dans les lichens du genre Parmelia.
Une pseudocyphelle est une structure qui caractérise certains lichens. Ces ouvertures du cortex favorisent l’absorption de l’humidité et les échanges gazeux. Elles laissent voir la médulla. Ci-dessus, les pseudocyphelles forment un réseau, on dit que ce sont des pseudocyphelles linéaires.
Reprenons notre lichen. Il n’y a pas de rhizine ramifiée dichotomiquement comme dans les lichens du genre Hypotrachyna, ce sont de « simples poils ». On les voit bien à la loupe binoculaire. De même, l’observation à la loupe binoculaire permet de remarquer de petits cils noirs sur les bords du thalle. Il faudrait poursuivre la détermination en mettant le réactif C (eau de Javel, à base de Chlore) sur la médulle (donc après avoir gratté la surface du lichen). En l’absence de réaction, on aurait conclu que le lichen appartient au genre Parmotrema. Là, il aurait réagi en rouge.
Nous n’observons pas de soralies comme dans le genre Hypotrachyna : il s’agit donc d’un lichen du genre Parmelina.
Il en existe 5 espèces. 3 ont des apothécies et pas d’isidies : Parmelina carporrhizans, qui présente des macules ; Parmelina atricha, sans macule et saxicole, aux rhizines fines, Parmelina quercina également sans macule mais corticole et aux rhizines épaisses.
Là, nous avons vu des isidies. Quand on les enlève, cela ne laisse pas de cicatrice. Il s’agit donc de Parmelina tiliacea (sinon, on en aurait déduit que c’était Parmelina pastilifera).
Isidie ? C’est une petite excroissance du thalle. Elle contient un amas de champignon et d’algue protégés par un cortex. Quand le lichen est sec, les isidies peuvent se détacher : c’est un organe permettant la multiplication végétative du lichen.