Deux éléments constituent les lichens à thalle complexe, ou lichen composite :
- Le thalle primaire se développe au début de la vie du lichen. Il peut être crustacé et fugace, ou former des lames foliacées ou des squamules (petites écailles) sur le sol.
- Partant de ce thalle primaire, le thalle secondaire ressemble à des petites tiges, ramifiées ou non, parfois terminées en trompettes, ce sont les podétions ou les pseudopodétions. On peut aussi employer une terminologie latine : un podetium, des podetia.
Les deux genres de lichens à thalle complexe
Première étape de la détermination d’un lichen, savoir s’il s’agit d’un lichen crustacé, foliacé, fruticuleux, à thalle complexe… Cette étape est simple.
Poursuivons la détermination en trouvant le genre. Dans le cas des lichens à thalle complexe, c’est facile. Il n’en existe que deux et il suffit de regarder si la « tige » que forme le thalle secondaire est creuse ou pleine.
Le genre Cladonia
Le thalle secondaire des Cladonia est un podétion : une « tige » creuse. On le voit sur le podétion en coupe (coupé).
Les podétions sont plus ou moins ramifiés. Ils sont parfois terminés en pointe (en alène). On peut aussi dire qu »ils sont ascyphés. D’autres podétions évoquent une trompette, on parle de podétions en coupe, ou en scyphe. Le fond peut en être perforé comme un entonnoir, ou être plein.
Le genre Stereocaulon
Le thalle secondaire des Stereocaulon est un pseudopodétion : une « tige » pleine.
Les pseudopodétions sont souvent très ramifiés.
Observation d’une espèce de Stereocaulon
Stereocaulon vient du grec« stereos » = dur, solide, et du latin « caulis » = queue, tige. Ainsi, le nom du genre provient de la relative rigidité des pseudopodétions.
La station
Commençons par quelques mots sur la station d’observation. Le col du Béal (1387 m) se trouve sur la ligne de crête des monts du Forez à la frontière entre la Loire et le Puy-de-Dôme. Il est au cœur des hautes Chaumes, vastes plateaux dégagés classés Natura 2000. Partant de là, on peut monter en randonnée. Après 3,5 km on atteint le rocher pavé, à 1568 m d’altitude. Le secteur est très venteux, les arbres sont rares et bas, il y a essentiellement des rochers, des lichens, des mousses, quelques bruyères et des herbacées.
Le lichen à thalle complexe
Observons ce lichen. Si on coupe ses « tiges », on voit qu’elles sont pleines. Il s’agit donc de pseudopodétions et, par conséquent, le lichen appartient au genre Stereocaulon.
Prenons maintenant le guide des lichens de Pascale Tiévant, publié en 2001 aux éditions Delachaux et Niestlé. On y décrit deux espèces saxicoles (poussant sur les rochers) et calcifuges (absents des milieux calcaires). Mais si on va sur le site de l’AFL, on en découvre dix espèces…
Les tests
La détermination des espèces de lichen suppose d’avoir un peu de matériel, notamment des produits chimiques. Pour déterminer l’espèce auquel correspond notre lichen, il est en effet nécessaire d’effectuer des tests avec des réactifs : P (paraphénylène diamine), K (potasse).
Là où j’ai mis une goutte de paraphénylène, j’ai obtenu une réaction colorée, au début c’était plus ou moins jaune mais progressivement c’est devenu rouge.
La potasse a aussi donné une réaction colorée, jaune au début, puis foncée : jaune brunâtre. On peut résumer en disant que c’est un lichen P+K+.
Ces couleurs révèlent la présence d’une substance lichénique . Sans doute l’acide fumarprotocetrarique, une depsidone de beta-orcinol… Traduction.
- Les depsides constituent une famille de molécules aromatiques complexes. On les trouve principalement dans les lichens, mais aussi dans les tanins d’un certain nombre de plantes comme le romarin ou le café. Les depsidones sont une famille voisine.
- Le beta-orcinol est l’un des précurseurs possibles permettant la fabrication de ces substances. Le nom scientifique de l’orcinol est 1,3-dihydroxy-5-méthylbenzène.
Parmi les lichens du genre Stereocaulon, beaucoup montrent des réactions K+ et P+ jaunes :
Concernant les différentes espèces, je peux aussi écarter…
- S. dactyllophyllum : K+ (jaune, parfois orangé), C-, KC-, P+ (orangé à rouge). Ce lichen peu commun est potentiellement menacé.
- S. delisei, très rare, K+ (jaune vert pâle), P+ (jaune).
- S. glareosum, en danger d’extinction, K+ (jaune) P-,
- S. grande, alpin
- S. saxatile : une seule station est connue en France, dans le Cantal. Claude Roux a classé cette espèce dans la catégorie des espèces patrimoniales d’intérêt international, en danger critique d’extinction.
Il reste une espèce possible :
S. vesuvianum est K+ jaune (parfois ± rouge), P+ rouge.
L’observation des phylloclades
Autre équipement indispensable pour l’amateur de lichens : une bonne loupe. En effet, la détermination des espèces du genre Stereocaulon nécessite l’examen attentif de la forme et du mode d’insertion des phylloclades…
Traduction. Il faut bien regarder les pseudopodétions. On peut voir sur ces « tiges » des sortes de petites écailles que les scientifiques appellent phylloclades. Le même nom qu’un conifère de Nouvelle-Zélande et Tasmanie. De Phyllo, feuille et Clade, branche : comme des mini-feuilles sur les « branches » (pseudopodétions) du lichen.
Les phylloclades de Stereocaulon vesuvianum sont très caractéristiques. Les scientifiques disent qu’elles sont peltées. Ce qualificatif vient d’un mot grec signifiant « petit bouclier ». Elles sont de plus légèrement plus foncées au centre de la partie supérieure. Vu la taille de ces éléments, cela ne peut se voir qu’à la loupe.
Quant aux Cladonia… le site de l’association française de lichénologie en présente près de 70 espèces et variétés / chémotypes…