La crise crétacé tertiaire, il y a environ 66 millions d’années, est le plus célèbre épisode d’extinction massive. En effet, il a fait disparaître les dinosaures et les ammonites avant de permettre l’apparition de grands mammifères et de nombreux oiseaux. Avant de découvrir pourquoi les dinosaures ont disparu, partons à la rencontre d’animaux marins également éteints, les ammonites.
Les ammonites
Les ammonites sont des animaux marins fossiles de la classe des mollusques céphalopodes,
ressemblant aux actuels nautiles ayant vécu pendant l’ère secondaire. La coquille est en général la seule partie fossilisée. Elle se présente sous la forme d’une spirale plane à tours généralement jointifs. Elle est subdivisée en un phragmocône divisé en loges, et en une loge d’habitation où se situe le corps mou de l’animal. Enfin, l’ensemble des loges communique grâce à un siphon ventral. On peut en voir au muséum d’histoire naturelle à Paris.
Une très grande ammonite
Certaines ammonites étaient très grandes. Ainsi, un spécimen de Tropaeum bowerbanki, âgé de 115 millions d’années (début du Crétacé) a été trouvé en 2020 sur l’île de Wight, au sud de l’Angleterre. Ce fossile mesure 55 cm et pèse 96 kg !
À cette époque, une grande partie du sud de l’Angleterre était recouverte d’une mer côtière chaude et peu profonde. Elle abritait des reptiles marins, des requins, des poissons et de
nombreuses ammonites.
De nombreuses ammonites présentaient un important dimorphisme sexuel. En effet, les femelles étaient plus grosses en raison du besoin de produire des œufs. Les ammonites du
genre Tropaeum sont connues pour atteindre des tailles impressionnantes. Certaines espèces comme le Tropaeum imperator peuvent mesurer jusqu’à un mètre de diamètre.
Le record de la plus grosse ammonite appartient à un fossile de Parapuzosia seppenradensis, déterré en 1895 en Westphalie (Allemagne), qui mesure 1,8 mètre de diamètre. Le poids total de l’animal vivant a été estimé à 1,5 tonne.
Des prédateurs de plancton
Des chercheurs français et américains ont analysé par microtomographie X des restes fossilisés de trois fossiles de Baculites sp. trouvés dans les Grandes Plaines du Dakota du Sud. (article) Ils ont ainsi réussi à obtenir d’excellentes images reconstituant en 3D l’intérieur des fossiles. Les chercheurs ont ainsi pu constater que ces animaux possédaient des mâchoires et une radula (sorte de langue couverte de dents) adaptées pour manger de petites
proies.
Mais surtout, dans le cas d’un spécimen, c’est la présence de fossiles de plancton qui a enthousiasmé les chercheurs. Les organismes planctoniques fossiles se trouvant uniquement au niveau des mâchoires, il est donc peu probable qu’il s’agisse de charognards. Il devait s’agir du dernier repas de l’ammonite. C’est la première preuve directe du régime alimentaire de ces animaux.
Si la majorité des ammonites se nourrissaient de cette manière et qu’il s’agissait de leur source principale de nourriture, on comprend qu’une brusque diminution de la
quantité de plancton disponible pouvait frapper très directement ces animaux. Étant donné leur abondance dans les mers et le fait qu’elles servaient très probablement de nourriture à plusieurs reptiles marins, comme les mosasaures de la fin du Crétacé, la disparition des ammonites a entraîné celle de leurs prédateurs.
Des espèces disparues il y a environ 66 millions d’années
On associe souvent la crise de la fin du crétacé à la disparition des dinosaures, ce qui est inexact. D’une part cette crise crétacé tertiaire a touché de nombreuses autres catégories d’organismes. D’autre part un de leurs rameaux évolutifs subsiste : ce sont les oiseaux.
Les ammonites, bélemnites ((mollusques céphalopodes de pleine eau, caractéristiques du
Mésozoïque, proches de la seiche actuelle), dinosaures non aviens, ptérosaures (reptiles
volants) et différents reptiles marins (plésiosaures, ichtyosaures, mosasaures) ont totalement disparu. On estime que 76% des espèces marines connues alors à la surface de la planète se sont éteintes.
Cependant, il apparaît aussi que la crise crétacé tertiaire n’a pas (ou peu) affecté de nombreux groupes. C’est par exemple le cas, à terre, des crocodiles tortues, lézards, mammifères, insectes, plantes vertes dont les plantes à fleurs, et en mer dans le plancton des dinoflagellés, radiolaires, diatomées…
En ce qui concerne les insectes, on n’a pas assez de fossiles pour travailler à l’échelle de l’espèce ou du genre. Les paléoentomologistes (spécialistes des insectes fossiles) travaillent à l’échelle des familles. Ils n’observent que peu de changements parmi les insectes. La très grande majorité se présente sous la même forme avant et après la crise.
Le véritable évènement marquant dans l’histoire des insectes se situe au Crétacé supérieur (70 à 80 millions d’années). Lors de la forte diversification des plantes à fleur, on note leur association avec les insectes pour la pollinisation, ainsi que l’émergence des insectes sociaux (termites, abeilles, fourmis…). Ces deux éléments sont omniprésents dans la faune d’insectes
actuelle.
Les reptiles et la crise Crétacé-Tertiaire
dans les océans, certains disparaissent, d’autres survivent…
Par exemple dans le milieu marin, les mosasaures (grands varans marins) et les plésiosaures (énormes reptiles marins), largement présents dans les mers avant la crise, disparaissent complètement. Dans le même temps, d’autres gros reptiles marins comme les dyrosauridés
(crocodiles) passent la crise sans souci. On observe en divers endroits (Amérique du nord, Europe) la persistance des mêmes espèces de ce groupe avant et après la crise. En d’autres endroits (bassins fermés africains, représentés par les gisements des Oulad Abdoun et Iullemmeden), suite à la crise, les dyrosauridés paraissent même remplacer les mosasaures et plésiosaures, auparavant beaucoup plus abondants que ces crocodiles.
Pourquoi donc ces crocodiles marins passeraient-ils la crise sans encombre alors que les mosasaures et plésiosaures, au mode de vie relativement proche, ont totalement succombé ?
Ces crocodiles dyrosauridés pourraient passer une bonne partie de leur vie juvénile en eau douce, ne joignant définitivement les eaux marines qu’à l’état adulte. Peut-être les milieux d’eaux douces auraient-ils été moins affectés par la crise que les milieux marins ? ET peutêtre auraient-ils pu jouer un rôle important dans la survie de formes comme les dyrosauridés ?
sur les continents, certains disparaissent, d’autres survivent…
Sur les continents, il existe au crétacé de grands crocodiles terrestres comme les sébécidés d’Amérique du sud. Par leur grande taille, leur appartenance aux reptiles (plus précisément aux archosaures), leurs membres érigés et leur régime alimentaire carnassier, ils présentent de fortes similitudes avec de grands dinosaures théropodes comme le célèbre T-rex. Or, aucun dinosaure théropode ne survit à la crise. Alors que les crocodiles sébécidés ne montrent aucune perturbation au passage de cet évènement. La crise n’a apparemment pas d’impact sur les crocodiles.
crocodiles vainqueurs…
Il est possible que les crocodiles terrestres du Crétacé aient eu une physiologie proche de celle des crocodiles actuels. Elle aurait pu leur permettre de traverser une crise de courte durée. En effet leur métabolisme est plus lent. Ils peuvent entrer en « léthargie ». A l’inverse, le métabolisme des dinosaures était constamment actif.
Les causes de la crises crétacé tertiaire
L’analyse de la diversité des groupes d’êtres vivants montre qu’il n’y a pas eu d’extinction brutale et généralisée. La crise a été sélective, elle touche majoritairement les océans et s’étend sur la durée.
Parmi les nombreuses théories proposées, certaines ont été écartées, par exemple…
- l’effet de serre lié aux gaz intestinaux des herbivores.
- l’idée que les dinosaures croissant en taille, leurs œufs étaient pondus de plus haut. Certaines espèces auraient disparu car les coquilles d’œufs se cassaient lors de la ponte. Et d’autres ont mieux résisté car les coquilles se sont épaissies mais… les bébés dinosaures ne parvenaient plus à casser la coquille pour sortir de l’œuf donc auraient disparu !
Des éruptions volcaniques :
les trapps du Deccan
Comme dans les précédentes crises, on observe un important volcanisme : les trapps du Deccan dans l’ouest de l’Inde. Pendant moins de 400 000 ans, ces coulées se sont empilées sur une épaisseur de plus de 400 m, parfois quelques km, sur un très vaste territoire équivalant à plusieurs fois la France. Ces éruptions ont libéré de grandes quantités de dioxyde de carbone et autres produits volcaniques. Cela a engendré un changement climatique par effet de serre + acidification de l’océan. D’où mort d’une bonne partie du plancton, provoquant un effondrement de la chaîne alimentaire.
La chute d’une météorite
Les géologues savent depuis le milieu des années 1970 qu’une couche d’iridium marque la limite entre les couches sédimentaires datant du crétacé et celles datant un tertiaire. Cet élément proche de l’or est rare sur Terre, mais pas dans les météorites. On a supposé que cet iridium avait été déposé par une couche de météorite à la suite de la chute d’un très gros astéroïde. Si un tel impact s’est produit, il convenait d’en trouver d’autres preuves. En 1991 est découvert le cratère de Chicxulub (Yucatan, Mexique). Il correspond à la taille recherchée (diamètre de 200 km pour une météorite de 10 km à l’impact). Enfin, les tectites (roche vitreuse issue de la fusion du substrat rocheux impacté par la météorite) ont permis de dater l’impact à 65- 66 Ma.
L’explosion de la météorite lors de l’impact – d’une puissance de 5 milliards de fois la bombe d’Hiroshima – a dû expédier d’immense quantités de poussières dans l’atmosphère. Ces aérosols ont fortement réduit l’ensoleillement de la Planète pendant un certain temps. Cela a donc entraîné l’effondrement de la chaîne alimentaire, en commençant, bien sûr, par une disparition massive des plantes. Les températures auraient aussi fortement chuté pendant des décennies.
Autre effet, connu depuis 2015. On a observé une augmentation des quantités de basaltes empilés sur les fonds marins suite à des éruptions au niveau des dorsales mondiales à ces époques. Les chercheurs pensent que les ondes sismiques produites par la chute de la météorite auraient été suffisamment puissantes pour amplifier également les éruptions
sous-marines de sorte que de 92.000 à 920.000 km3 de lave supplémentaires se seraient épanchés au niveau des dorsales.
Rôle du volcanisme et de la météorite dans la crise crétacé tertiaire
L’éruption des trapps du Deccan et l’impact météoritique ont eu lieu durant un intervalle de temps relativement court (quelques millions d’années). Les questions que se posent les scientifiques à l’heure actuelle n’est pas de l’ordre « est-ce qu’il y a bien eu une météorite ou du volcanisme ou un changement du niveau de la mer ? » Mais « quelle est la part de chacun de ces évènements dans l’extinction de masse Crétacé-Tertaire? »
Beaucoup de chercheurs pensent que les deux causes invoquées s’étaient probablement combinées pour aboutir à la crise crétacé-tertiaire. L’astéroïde à l’origine du cratère du Chicxulub a pu amplifier les effets des éruptions du Deccan. Mais…
Des chercheurs britanniques ont publié une étude en 2020. Ils ont conduit des simulations complexes du climat et de l’impact sur les écosystèmes des 2 phénomènes. Les chercheurs y montrent que seul l’astéroïde est responsable de l’extinction observée il y a environ 66 millions d’années. Les volcans ont quant à eux favorisé la résilience de la biosphère.
En effet, les éjectas de l’impact de l’astéroïde Chicxulub ont conduit à un climat hivernal pendant des décennies. Ils ont bloqué la lumière du Soleil et fait baisser les températures, décimant les environnements appropriés pour les dinosaures.
Les nouvelles modélisations indiquent donc que les effets des éruptions des trapps n’étaient pas assez forts pour perturber considérablement les écosystèmes. Au contraire le dioxyde de carbone injecté par les éruptions du Deccan aurait conduit à un effet de serre limitant les
baisses de températures et propices au développement de la végétation.