L’an dernier, je proposais un article évoquant les solutions alternatives au traditionnel sapin de Noël… Les pins de Noël des dunes du Livradois-Forez. Je vous conseille aussi le guide Comment organiser un Noël plus écolo ?
Ici, il ne s’agira pas de débattre sur la dimension plus ou moins « écolo » des choix effectués pour les fêtes de fin d’année. Ni d’évoquer les 6 millions de sapins naturels vendus en France chaque année. Ou la part du sapin dans l’émission des gaz à effet de serre des décorations de Noël (52%).
Il ne s’agira pas non plus de l’utilisation du bois de sapin et épicéa dans les charpentes. Ni des qualités du bois du douglas, ou de l’intérêt du bois de pin pour les aménagements…
Non, à l’heure où l’UICN a classé 44 016 espèces parmi les espèces menacées (sur les 157 190 espèces étudiées, liste rouge 2023), intéressons-nous à la biodiversité des conifères. Parmi ces espèces de la liste rouge figurent 34% des conifères !
La mise à jour de cette année voit des milliers d’arbres ajoutés à la Liste rouge de l’UICN, dont beaucoup sont des espèces commerciales. Ces arbres sont souvent des espèces clés dans les forêts et importants pour les économies nationales et locales. Cependant, ils sont souvent menacés d’extinction par une exploitation non durable. Il est essentiel que nous soutenions les jardins botaniques pour protéger et propager les espèces de bois menacées dans les collections ex situ et fournir plus de ressources pour prendre des décisions éclairées sur leur utilisation et leur commerce durables.
Megan Barstow, responsable de la conservation chez Botanic Gardens Conservation International. (source)
Les conifères
Un peu de vocabulaire…
Conifères, résineux, pinales, gymnospermes… Autant de termes pour désigner un groupe de plantes ligneuses (arbres ou arbustes) à graines portées par une structure en forme de cône (d’où le nom conifère). Ces graines ne sont pas cachées dans un fruit (et auparavant les ovules dans l’ovaire des fleurs) comme chez les Angiospermes. Elles sont « nues » sur les écailles des cônes. C’est ce que signifie l’étymologie grecque du terme Gymnosperme. Mais dans ce clade (groupe) des gymnospermes figurent, à côté de la sous-classe des pins, deux autres sous-classes : Celle des Cycas et celle du Ginkgo biloba. On divise ensuite cette sous-classe des pinidées en plusieurs ordres.
- L’ordre des Pinales (le groupe du pin, du sapin, de l’épicéa…) avec leurs aiguilles (154 espèces décrites dans l’Inventaire National du Patrimoine Naturel). Cet ordre contient une famille, celle des Pinacées.
- L’ordre des Cupressales (celui du cyprès, du thuya, du genévrier…) avec, le plus souvent, des feuilles squamiformes, comme de petites écailles le long des tiges. (86 espèces dans l’INPN)
- L’ordre des Araucariales, où figure l’araucaria, ce « désespoir des singes » (55 espèces dans l’INPN)
Je n’évoquerai dans cet article que des essences appartenant à la famille des Pinacées. Le bois de ces végétaux contient de la résine, c’est pourquoi on les appelle aussi des résineux.
Les conifères, cultivés & menacés
Les conifères ont un important poids économique. Entre les cultures de sapins de Noël, celles pour le bois d’œuvre et celles destinées à la production de papier, on cultive largement certaines essences. Mais de nombreuses populations de conifères sauvages ont disparu ou souffrent de la surexploitation de certaines forêts, des plantations artificielles de résineux d’intérêts commerciaux, de maladies, ou du changement climatique. En 2013, l’UICN a ainsi ajouté 33 espèces de conifères à la liste rouge des espèces menacées. Savez-vous qu’un tiers des espèces de conifères du monde sont menacées d’extinction (source) ? C’est aussi le cas en France. Ainsi, en Auvergne, un tiers des boisements de conifères sont menacés… (source).
Les pins
Le genre Pinus est le plus grand groupe de conifères. L’INPN en recense 73 espèces. Ces résineux ont des feuilles en aiguilles plus ou moins longues, groupées en faisceaux par 2, 3 ou 5, persistantes. Largement planté, plusieurs espèces sont aussi menacées.
Le pin de Monterey
Le pin de Monterey (Pinus radiata D.Don, 1836) est originaire de la côte ouest des Etats-Unis. Son aire naturelle s’y limite à 6.000 ha environ sur la côte californienne !
On a introduit cette essence en France en 1833 mais, sensible au froid et à la sécheresse, on ne le trouve guère que sur la côte Atlantique et au Pays Basque. Il semblait intéressant à planter dans les Landes, à côté du pin maritime dans la production forestière pour la cellulose… Mais le grand gel de l’hiver 1985 a stoppé net son développement. De plus les forestiers avaient remarqué une très forte infestation par la chenille processionnaire.
De croissance rapide et à tronc droit, on l’utilise largement en reboisement en Australie, Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande et en Espagne
Ainsi, bien que largement planté, il fait partie des arbres classés EN, en danger, sur la liste rouge de l’IUCN, car il est sensible non seulement à la sécheresse (il lui faut plus de 1000 mm par an, mais pas trop d’eau en hiver), mais aussi à de nombreuses maladies. Notamment, un champignon pathogène, Gibberella circinata, forme asexuée Fusarium circinatum, provoque le chancre suintant du pin (ou Fusarium du pin. Il contamine même les graines. C’est pourquoi on réglemente les importations de graines ou de plants (source).
Dans son habitat naturel il est menacé aussi par… les chèvres sauvages ! (source).
Le pin de Bristlecone
Connaissez-vous le pin de Bristlecone, Pinus longaeva D.K.Bailey, 1970 ? Il vit naturellement dans trois états des États-Unis : Utah, Californie, Nevada. Au frais : entre 2.134 et 3.700 m. C’est son secret de longévité. Comment on le sait ? il suffit de compter les cernes des arbres (dendrochronologie). Ainsi, en 1964, on a estimé que Prometheus, vénérable du Nevada, a été abattu à l’âge de 4.844 ans. Environ : l’arbre étant creux, les plus anciennes cernes manquaient. Quant au californien Mathusalem, âgé de 4.842 ans en 2010, il est toujours vivant. Pour connaître son âge, on a prélevé un cylindre de bois de l’écorce jusqu’au centre de l’arbre… ou à peu près. En 2013, on a même trouvé un arbre encore plus âgé de cette espèce : 5.062 ans ! (source) Vous imaginez ? les célèbres pyramides d’Égypte n’existaient pas, ni aucune des sept merveilles du monde antique. Il y a 5.000 ans, c’était pendant le néolithique !
Et pourtant, cet arbre capable de défier le temps figure sur la liste rouge de l’IUCN. Pour l’instant LC, préoccupation mineure. Car ses populations sont stables, mais sévèrement fragmentées. Il est de plus menacé par les maladies, les incendies, le réchauffement de son milieu de vie… C’est pourquoi les américains ont mis en œuvre des actions de protection.
Le pin blanc de Corée
Poursuivons notre tour du monde des pins remarquable en Asie orientale. Le pin blanc de Corée, Pinus koraiensis Siebold & Zucc., 1842, est endémique du Nord-Est de la Chine, Extrême-Orient russe, Corée et centre du Japon. Ses forêts couvrent aujourd’hui environ 2,88 millions d’hectares. Bien que l’IUCN le classe LC, préoccupation mineure, il fait partie des espèces prioritaires pour le WWF. En effet, les forêts de pins de Corée de l’Extrême-Orient russe ont diminué de plus de deux tiers au cours des cinquante dernières années, du fait de la déforestation et de l’exploitation illégale. Or cet arbre est essentiel par les pignes qu’il produit, consommées par les populations locales… Mais aussi par le sanglier, proie principale du tigre de Sibérie et du léopard de l’Amour. Ses forêts abritent le ginseng, récolté par les habitants. Et elles abritent l’ours brun, l’ours noir d’Asie et le lynx.
Ainsi, tout impact sur les forêts de pin blanc a de multiples répercutions, tant pour les populations locales que pour la biodiversité.
Pin mugo et pin des tourbières
Et en Europe ? en France ?
En France, une espèce est protégée par l’Arrêté du 20 janvier 1982. Il s’agit du pin mugo (Pinus mugo Turra, 1764), une espèce montagnarde. Cet arbrisseau, arbuste ou arbre de taille et de port très variables, porte de longues aiguilles groupées par 2.
Il en existe plusieurs sous-espèces. Ainsi le pin des tourbières, Pinus mugo nothosubsp. rotundata (Link) A.E.Murray, 1985 est une sous-espèce menacée : EN, en danger sur la liste rouge de l’IUCN. On note une diminution et une fragmentation des populations de Pinus mugo rotundata. Une diminution continue du nombre d’arbres matures. En cause, la destruction des tourbières d’altitude au cours des 100 dernières années, au profit de l’exploitation forestière, principalement des plantations d’épicéa. Le pin des tourbières est incapable d’y survivre. En conséquence, la sous-espèce a décliné, voire disparu, dans de nombreuses tourbières en Allemagne. La situation en Pologne est également préoccupante ; dans une réserve, une tentative de réintroduction a été entreprise. En France… on ne sait pas, NE, non évaluée.
Le pin sylvestre
Plus répandu chez nous, le pin sylvestre, Pinus sylvestris L., 1753, porte des aiguilles de 3 à 7 cm réunies par deux. Beaucoup de chenilles s’en nourrissent. Elles sont souvent rayées de vert et de blanc, elles sont dès lors moins visibles pour leurs prédateurs. La chenille du sphinx du pin Sphinx pinestri est l’un des plus courant. Les forestiers ne considèrent pas que cet insecte est nuisible.
Mais ce n’est pas le cas de la noctuelle du pin Panolis flammea qui peut défolier une pinède. Ou des processionnaires Thammetopoea pinivota et pityocampa, dont les chenilles passent la journée dans des nids qui peuvent atteindre 30 cm de diamètre, et en sortent pour se nourrir des aiguilles. Initialement présentes surtout en région méditerranéenne, le réchauffement climatique leur permet de coloniser des régions plus au Nord. (sur les hôtes des arbres, je vous conseille le livre Observer et identifier les hôtes de 60 arbres et arbustes de Margot et Roland Spohn, publié aux éditions delachaux et niestlé).
Il est classé LC, préoccupation mineure. On a toujours fortement exploité les forêts de pin sylvestre dans des pays comme le Royaume-Uni (Écosse). Et, dans certaines zones, ces forêts ont été par conséquent considérablement réduites. Cependant, dans la majeure partie de son aire de répartition, l’exploitation forestière et la conversion des forêts à des fins agricoles ou de plantations ont eu un impact limité. (source).
Mais… les pins souffrent de la chaleur et de la sécheresse. Des insectes appelés buprestes (Phaenops cynea le bupreste bleu et Melanophila sp.) se développent sur les troncs des pins stressés. Ils tuent le cambium des arbres et entrainent leur mort. Le stress hydrique fragilise aussi les arbres face aux champignons. Ainsi, le sphaeropsis des pins (Diplodia pinea) devient pathogène chez les arbres fragilisés par la sécheresse. Le champignon provoque des nécroses corticales puis le dessèchement des branches ou d’une partie de la cime. (source). Au final, selon les lieux, les forestiers s’interrogent sur l’avenir du pin sylvestre. Continuer à en planter ? Choisir des essences moins sensibles au dérèglement climatique ?…
Les sapins
Les sapins constituent le genre Abies. L’INPN en recense 38 espèces. Par exemple le sapin pectiné Abies alba Mill., 1768 répandu dans nos forêts. Ou le sapin de Nordmann Abies nordmanniana (Steven) Spach, 1841 cultivé comme sapin de Noël. Savez-vous que parmi ses sous-espèces, Abies nordmanniana subsp. equi-trojani est classé EN, en danger, sur la liste rouge de l’IUCN ? Originaire de Turquie, les populations sont fragmentées, le nombre d’arbres matures diminue. En cause l’exploitation forestière illégale, la pollution par le dioxyde de soufre provenant d’une centrale électrique voisine, les pluies acides, le feu, une dégradation de l’habitat en raison du nombre élevé de visiteurs…
Quant au sapin de Sicile, Abies nebrodensis (Lojac.) Mattei, 1908, il est en danger critique d’extinction. Il n’existe qu’une population naturelle, avec seulement 25 arbres matures, en âge de se reproduire. En cas d’incendie… (source).
Les épicéas
L’INPN recense 28 espèces d’épicéas dans le genre Picea. Bien sûr l’épicéa commun Picea abies (L.) H.Karst., 1881, notre sapin de Noël traditionnel. Cet arbre nous semble familier… pourtant des forêts entières meurent. La sécheresse et la chaleur fragilisent les arbres et, au contraire, favorisent la multiplication et la dissémination des scolytes. Ces insectes se développent sous l’écorce, et progressivement l’arbre dépérit. En France, des forêts entières finissent par mourir. Un champignon vient ensuite bleuir le bois, qui est de ce fait déclassé. (source).
Beaucoup plus critique est la situation d’un épicéa chinois, Picea neoveitchii Mast., 1903. Il ne reste que 156 arbres matures. Coupe à blanc des forêts pour le bois, fragmentation des peuplements restants, poursuite de la conversion de certaines zones à l’agriculture… Le déclin se poursuit donc. (source).
Le douglas
Le douglas, Pseudotsuga menziesii (Mirb.) Franco, 1950, est la seule espèce du genre répertoriée par l’INPN. Originaire d’Amérique du Nord, l’exploitation forestière y a eu d’importants impacts négatifs sur les forêts anciennes qui étaient dominées par le douglas. Et en France, le remplacement de nos forêts par des « champs » de Douglas est tout aussi négatif pour la biodiversité locale. Le problème ne vient pas de l’arbre en lui-même, mais de sa plantation en monocultures semblables à de gigantesques champs de maïs. En Limousin, le douglas est devenu la première essence de reboisement après la tempête de 1999. Ces dernières années, les épicéas dépérissent : on les remplace par des douglas.
Épicéa, sapin, douglas… vus de loin, les peuplements se ressemblent. Mais si on regarde les troncs, celui du sapin pectiné se démarque aussitôt, il est gris quand l’écorce de l’épicéa et du douglas est brune. Vues de loin, les aiguilles se ressemblent… En fait, le sapin porte des petites aiguilles en double rang opposées, plates, non piquantes, l’épicéa des aiguilles rigides disposées en spirale et le douglas des aiguilles flexibles, aplaties. A noter aussi, il n’y a guère de vie dans les monocultures de douglas.
Les mélèzes
En hiver, dans les forêts de conifères dont les aiguilles sombres se détachent sur le blanc de la neige, peut-être remarquerez-vous un résineux ayant perdu ses aiguilles.
Non, il n’est pas malade. Il s’agit d’un arbre à feuilles caduques, qui se pare d’or en automne : Le mélèze>