L’emploi de la chaux est souvent préconisé dans le bâti « écolo ». Quelques éléments pour comprendre l’intérêt de ce matériau employé depuis l’Antiquité et comment l’employer. Cet article va juste donner quelques bases, pour approfondir je vous invite à consulter la chaîne youtube et le blog « faisons le mur » : Gautier y propose une excellente formation en vidéos, des recettes…
Chaux & ciment
Le ciment et la chaux sont des matériaux à base de calcaire contenant plus ou moins d’argile :
- les roches calcaires contenant plus de 20% d’argile permettent de produire du ciment
- les calcaires contenant entre 5 et 20 % d’argile permettent l’obtention de chaux hydraulique
- les calcaires contenant peu d’argiles sont à l’origine des chaux aériennes.
Le ciment comme les chaux sont obtenues en portant les roches à très hautes températures. C’est très consommateur d’énergie et cela dégage de grandes quantités de dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre, d’où impact sur le climat. En effet, outre le dioxyde de carbone dégagé en brûlant fioul ou déchets pour chauffer les roches, le calcaire (carbonate de calcium) se transforme en oxyde de calcium, libérant du dioxyde de carbone.
Un autre matériau est obtenu en chauffant une roche : le plâtre provient du gypse porté à 120°C.
Le ciment
- En portant le calcaire riche en argile (ou un mélange artificiel de calcaire et d’argile) à 1400°C, on obtient le clinker auquel on ajoute divers adjuvants pour produire le ciment. L’un des problèmes majeurs provient de la présence de divers métaux lourds dans la roche chauffée. En particulier le ciment contient systématiquement une forme oxydée du chrome, un allergène majeur. Quant aux métaux lourds présents dans le ciment et les particules fines rejetées par les incinérateurs de cimenteries, ils sont cancérigènes, donc dangereux pour les utilisateurs de ciments et pour les riverains des cimenteries (plus ou moins, bien sûr, selon les filtres installés sur les cheminées des cimenteries). Les adjuvants peuvent aussi poser problème.
- Quand ensuite le ciment « prend », une réaction se produit entre les silicates provenant de l’argile et le calcium issu du calcaire. Cela forme du silicate de calcium hydraté.
- En résumé, la production de ciment produit beaucoup de gaz à effet de serre et dégage des particules polluantes. On doit aussi faire attention lors de l’utilisation du ciment du fait de la présence de substances allergènes, cancérigènes etc.
Les chaux
chaux vive / éteinte
- Le calcaire contenant plus ou moins d’argile est porté à 900°C. Cela permet sa transformation en oxyde de calcium, dégageant du dioxyde de carbone. Le produit obtenu est la chaux vive, la plus dangereuse, car en cas de contact avec la peau elle va « boire » l’eau de nos cellules et peut ainsi nous brûler… Cette chaux vive peut être utilisée dans l’industrie et l’agriculture.
- La chaux vive est ensuite immergée dans l’eau, cela donne la « chaux éteinte« , à base d’hydroxyde de calcium. Cette chaux là « a bu », elle ne va donc pas « boire » l’eau de nos cellule. Il rester vigilant car c’est un produit très basique, mais beaucoup moins dangereux qu’une chaux vive.
Chaux aérienne / hydraulique
- Quand on utilise la chaux éteinte, une réaction de carbonatation a lieu. Autrement dit, la chaux capte le dioxyde de carbone de l’air pour redevenir carbonate de calcium, de la roche.
- La chaux aérienne a une prise lente (des mois, voire des années). En présence d’eau, elle réagit au dioxyde de carbone de l’air. Elle peut être vendue sous forme de pâte ou de poudre. Sans air, en pâte, elle ne durcit pas.
- Les chaux hydrauliques quant à elles vont d’abord « tirer », ce sont des réactions d’hydratation des composés variés de la chaux. Compte-tenu de leur réaction immédiate en présence d’eau, les chaux hydrauliques ne sont jamais vendues en pâte, toujours en poudre sèche. Dans un second temps se produit la carbonatation au contact de l’air humide. La vitesse de cette carbonatation secondaire dans l’épaisseur est d’environ un centimètre par an. Du fait de cette double réaction, elle devient plus dure, plus résistante à la compression.
Ainsi, le bilan carbone de la chaux est moins négatif que celui du ciment : on chauffe moins et surtout, la chaux capte le dioxyde de carbone lors de la prise. Cela compense en partie le dioxyde de carbone émis lors de sa fabrication. Ce matériau contient aussi moins d’adjuvants et produits toxiques que le ciment. Il faut néanmoins faire attention (gants, lunettes et masque de protection) car la chaux en poudre, très basique, est irritante.
Quelle chaux pour quel usage ?
Chaux aérienne
La chaux aérienne ne prend qu’au contact du dioxyde de carbone de l’air. Par conséquent, on l’utilisera pour les travaux de finition en couches fines : enduits et peintures. D’autant que sa pureté lui permet d’être bien blanche, lumineuse, et de bien faire ressortir pigments ou sables colorés auxquels on l’associe. La plus belle des chaux aérienne est la fleur de chaux
On peut la trouver sous l’acronyme CL : Calcic Lime – chaux calcique, la plus riche en calcaire. La CL 90 contient au moins 90% de chaux libre.
Chaux hydraulique
La chaux hydraulique quant à elle peut être utilisée en plus grandes épaisseurs, elle est donc adaptée à la confection de mortiers pour associer des pierres ou des briques. D’autant que le premier temps de prise, en présence d’eau, permet une meilleure résistance, qu’on peut connaître en lisant le « code » sur le sac : Au bout de 28 jours, NHL3,5 a une résistance de 3,5 MPa moindre que NHL5 (5 MPa) mais meilleure que NHL2 (2 MPa). Ceci est lié à la plus forte teneur en argile dans la NHL5 (14 à 20%) que dans la NHL3,5 (8 à 14%) ou 2 (5 à 8%). La NHL3.5 est souvent conseillée pour le bâti ancien. NHL ? Natural Hydraulic Lime – chaux hydraulique naturelle.
Les chaux formulées
CL et NHL correspondent à des normes européennes définies en 1995. En 2012 est introduite la norme FL des chaux formulées.
La proportion argile / calcaire est définie par la roche utilisée dans les chaux naturelles, CL et NHL. Cette chaux, mélangée à un ciment, colorant ou tout autre composant devient HL, ou FL quand la formulation est déclarée dans le cartouche CE du produit. Par exemple la chaux grise contient 80% de NHL5 et 20% de ciment.
Plus il y a d’argile, plus la prise est rapide, mais aussi plus il y a de risque de fissure.
Importance de l’eau
En peinture comme en enduit, le mortier à la chaux a besoin de « travailler » pour durcir. Bien avoir en tête que pendant la première semaine, la chaux a besoin d’humidité pour que la réaction de carbonatation puisse avoir lieu. Si le séchage a lieu avant que la réaction de carbonatation ait bien avancé, la chaux reste chaux au lieu de se transformer en roche. Il est ainsi conseillé que le travail effectué reste à l’humidité : pas de chaleur du soleil, pas de vent. Penser aussi que si le support est poreux il capte l’eau nécessaire à la carbonatation… C’est pourquoi il est important de bien humidifier le support avant l’application. Et si la chaux sèche trop vite, on peut prévoir de l’humidifier.
Inversement, en cas d’excès d’eau, il peut y avoir des fissures de retrait au séchage. Pour limiter les risques, l’idéal est de préparer le mortier la veille. Le lendemain, le mortier a durci, mais c’est une « fausse prise ». On découpe alors en morceaux, on rajoute un peu d’eau (un sixième de l’eau mise la veille), on remélange. Cette méthode s’appelle « rebattre la chaux hydraulique« . Cela permet de gagner en élasticité et perspirance, en améliorant la prise (la carbonatation). De plus, on limite les risques de fissuration.
Il faut trouver le bon équilibre… Ainsi, il faut éviter d’appliquer la chaux, surtout la chaux aérienne CL90
- En hiver et par temps froid et humide, car le temps de carbonatation peut être trop long, ce qui fragilise le revêtement de chaux
- Sur une zone exposée en plein soleil, l’été, car la chaux séchera trop rapidement, avant sa carbonatation, ce qui altère sa bonne tenue sur le support.
Les bénéfices pour les habitations
Qu’il s’agisse de rénovation du bâti ancien, de construction d’habitats alternatifs comme les kerterre, ou d’enduits, la chaux présente d’indéniables qualités.
- De tout temps, elle a été employée pour l’assainissement. On utilisait la chaux vive dans les fosses communes… Sur les murs, la chaux neutralise les germes, permet d’éviter le développement de moisissures. Elle absorbe les odeurs et ne libère pas de composés organiques volatiles (COV) contrairement à de nombreux produits de traitements.
- Ce matériau a aussi des propriétés hygro-régulatrices. Autrement dit la capacité de capter l’humidité excessive et la restituer quand l’air devient trop sec. Cette qualité participe au confort thermique et limite les risques de développement de moisissures et autres indésirables présents dans les milieux trop humides.
- Enfin, la chaux est « perspirante« . Ainsi l’humidité peut être évacuée, elle ne stagne pas dans le mur. C’est mieux que d’avoir un enduit étanche sur le mur qui emprisonne l’humidité et peut abîmer le mur, surtout en cas de successions gel / dégel.
La perspirance, ou perméabilité à la vapeur d’eau, est mesurée par le coefficient de diffusion de vapeur d’eau : µ (mu). Plus il est élevé, plus le matériau est étanche. Un enduit à la chaux présente un coefficient de 13 environ (variable selon la chaux et le sable associé), tandis que le coefficient du ciment a une valeur de 82 (d’après « faisons le mur »). La vapeur d’eau circule 13 fois moins bien dans l’enduit à la chaux que dans l’air, et 82 fois plus difficilement dans le ciment !
Le tout pour un prix modique comparé aux produits « industriels ».
Important aussi, en cas d’incendie, la chaux n’est pas inflammable et ne dégage pas de fumée toxique. Enfin, en fin de vie, ce matériau peut être enfoui ou mis dans le jardin : c’est de la roche calcaire !
Une réponse à “La chaux”
Merci pour la référence 🙂👋👋
Gautier