Manger du bœuf ? du veau ? des produits laitiers ?
L’humain est omnivore. En cas d’alimentation végétalienne, les risques de carence sont élevées. Mais en même temps, on ne cesse de lire que dans le contexte environnemental actuel, la consommation de viande doit être réduite.
De même, si les publicités affirment que « les produits laitiers sont nos amis pour la vie », on peut lire que le lait est un poison que tout le monde devrait supprimer de son alimentation…
Santé, environnement, mais aussi éthique… qu’en penser ? Quel équilibre trouver ? Quelles solutions pour concilier au mieux équilibre alimentaire et respect de l’environnement de des animaux ? Dans le cas de la consommation d’œufs, avoir des poules dans le jardin est une bonne solution si on a un jardin. Dans le cas contraire, l’achat en direct d’un petit éleveur local, ou en grande surface d’œufs bio ou label rouge… Mais pour la viande et les produits laitiers…
Commençons par la santé : Est-il nécessaire de manger de la viande de bœuf et de veau, de consommer des produits laitiers, pour être en bonne santé ?
Notre santé…
Toutes les données concernant la composition des aliments proviennent du site de référence ciqual.
La viande de bœuf
Quand on tape « bœuf » dans le moteur de recherche de la table ciqual, on obtient une très grande liste de résultats, correspondant aux différents morceaux.
Prenons par exemple un rôti de bœuf cuit au four. Voici les teneurs moyenne pour 100 g.
- protéines : 21,9 g
- glucides : 0,3 g
- lipides : 3,16 g
- fer : 3,1 mg
- zinc : 5,43 mg
- vitamine B12 : 1,3 µg
Quant à la viande de veau, il s’agit d’une viande blanche : Comme le bœuf et les viandes en général, elle est une bonne source en protéines et vitamine B12, mais elle apporte moins de fer ou de zinc. Et elle est souvent plus « maigre ».
Les protéines
Des trois familles de « macro-nutriments » (protéines, glucides = sucres / féculents, lipides = graisses), les viandes sont réputées comme étant une bonne source de protéines. Qu’en penser ?
Besoins
On a besoin d’un apport suffisant en protéines pour construire nos propres protéines. Ces protéines sont nécessaire à la construction et au fonctionnement de l’organisme. L’ANSES considère que la référence nutritionnelle en protéines des adultes en bonne santé (RNP) est de 0,83 g/kg/j. Soit environ 50 g pour un adulte de 60 kg.
Sources animales
Certes, le bœuf ou le veau en apportent une bonne quantité… comme toutes les viandes et les produits laitiers. 100 g de rôti de bœuf apporte presque la moitié de besoins journaliers en protéines.
Les œufs en apportent moins (environ 13 g pour 100 g).
Sources végétales
Comme les animaux, les végétaux ont besoin de protéines pour le fonctionnement de leurs cellules et en stockent dans leurs graines. On en trouve ainsi dans les lentilles, par exemple. Pensons aussi aux amandes (22,6 g de protéines pour 100 g), au sésame (20,8 g de protéines pour 100 g), aux graines de lupin (36,2 g de protéines pour 100 g de graines crues), aux algues (57,5 g pour 100 g de spiruline déshydratée)…
Légumineuses et céréales contiennent certes des protéines, mais il s’agit de « protéines de réserve », non équilibrées. En effet, pour construire les protéines, les cellules utilisent des « briques », les acides aminés. Parmi les acides aminés, on sait en fabriquer certains, mais pas tous. On parle alors d’acides aminés essentiels, que l’on doit trouver dans notre alimentation. Les graines des végétaux sont riches en protéines, mais avec les acides aminés essentiels pour la plante, pas forcément pour nous…
Associer céréales & légumineuses
Pour obtenir l’équilibre dont on a besoin, il est nécessaire d’associer par exemple semoule de blé et pois chiche, riz et lentilles, maïs et haricots rouges… Cela permet d’équilibrer l’apport en lysine, un acide aminé peu présent dans les céréales mais abondant dans les légumineuses, et l’apport des acides aminés soufrés, faible dans les légumineuses mais élevé dans les céréales. Par exemple une assiette contenant 50 g de pois chiche (environ 4 g) associées à du couscous ou du boulghour (environ 12 g pour 100 g de blé dur cru) permet de satisfaire une bonne partie de nos besoins nutritionnels en quantité et qualité.
Graines germées
Autre possibilité, on peut faire germer les graines. Dès lors, on obtient des « protéines actives » dont l’équilibre est semblable dans tous les organismes. Ainsi, 100 g de lentilles germées apporte près de 9 g de protéines. Environ un cinquième des besoins d’un adulte.
Une alimentation riche en produits végétaux variés permet ainsi d’obtenir l’apport en protéines dont on a besoin. Inversement…
Attention aux excès !
Une alimentation trop riche en viandes, poissons, œufs, produits laitiers risque d’apporter trop de protéines que l’organisme va devoir gérer. Il y aura notamment beaucoup de « déchets » appelés « purines ». En excès de façon durable, cela peut donner des crises de goutte ou certains calculs rénaux…
Le fer grâce à la consommation de bœuf ?
Rôles
Pour que nos globules rouges puissent transporter le dioxygène dans le sang, des poumons jusqu’aux organes comme les muscles ou le cerveau, ils ont besoin de fer. Dans ces globules rouges se trouvent une protéine particulière appelée hémoglobine. Cette protéine possède une zone particulière, appelée hème, où se trouve le fer et où le dioxygène va se positionner lors de son transport dans le sang.
Dans nos muscles, une protéine appelée myoglobine stocke du dioxygène et la fournit aux muscles lors d’un effort.
Enfin, à l’intérieur de chaque cellule (animale, végétale…) se trouvent des « centrales énergétiques » appelées mitochondries. Leur fonctionnement nécessite aussi du fer.
Besoins
Pour être en forme, on a donc besoin de trouver du fer dans notre alimentation. Comme pour tout, il en faut suffisamment, mais pas trop. Les besoins dépendent de l’âge, du sexe… Par exemple une femme qui a ses règles perd du sang (donc des globules rouges et du fer). Ses besoins en fer sont donc plus importants qu’une femme ménopausée. Mais moindre qu’une femme enceinte…
Partons des besoins moyens d’un homme, ou d’une femme ménopausée : 8 mg sur un site, 1 à 2 mg sur un autre… Difficile de s’y retrouver !
Sources
Assurément, avec plus de 3 mg de fer, 100 g de rôti de bœuf est une excellente source de fer. Certes… mais si on compare aux teneurs de bien des épices et aromates ou du cacao, le bœuf n’en contient pas tant que ça ! Le cacao ? 10 g en apporte presque 5 mg. Les herbes de Provence sèches ? 7 mg dans 10 g… Quant aux lentilles, un plat préparé avec 50 g de lentilles sèches en apporte à peu près autant qu’une part de 100 g de rôti de bœuf.
Pour rédiger les informations suivantes, j’ai précisé mes connaissances par un article de consoglobe.
Deux formes de Fer
Quand on parle de fer, on ne peut se contenter de ces quantités. En effet, il existe plusieurs formes de fer.
- Le fer associé à l’hème de l’hémoglobine du sang ou de la myoglobine des muscles est le « fer héminique ». C’est du « fer ferrique », symbolisé Fe2+ par les chimistes. C’est la forme présente dans la viande. Son absorption est excellente : 25% environ.
- Le fer présent dans les végétaux est du « fer non héminique ». C’est du « fer ferreux », Fe3+. Son absorption est moindre, 5 à 10% peut-on lire.
Assimilation
La différence est essentielle au niveau de l’absorption intestinale.
La digestion des protéines de la viande se produit pour partie dans l’estomac, mais surtout dans l’intestin grêle. L’hème associé au fer ferreux est ainsi libéré, et reconnu par des récepteurs spécifiques présents sur les cellules de la paroi de l’intestin grêle. Dans ces cellules, l’hème est dégradé et le fer va pouvoir être stocké, lié à la ferritine ou être transporté dans le sang par la transferrine vers les tissus qui en ont besoin. Ce fer présent dans la viande est ainsi très bien assimilé.
En ce qui concerne le « fer non héminique », il n’en va pas de même. Première étape, le fer ferrique Fe3+ est réduit en fer ferreux Fe2+. Puis il est piégé par la mucine, un composant du mucus qui recouvre la paroi de l’intestin. À ce niveau, un transporteur peut lui permettre de passer dans la cellule intestinale pour être stocké avec la ferritine ou transporté dans le sang avec la transferrine. Mais tout dépend de l’ensemble du repas. En effet, des substances comme les tannins du thé ou les phytates des céréales complètes non germées captent le fer ferreux Fe2+ (ainsi que le calcium Ca2+, le magnésium Mg2+…) et sont éliminées (avec les micro-nutriments)…
A l’inverse, la vitamine C présente en particulier dans les fruits, mais aussi la viande et le poisson, permettent de multiplier l’absorption du « fer non héminique » par deux ou trois… Par exemple, ajouter du bœuf haché dans un chili aux haricots rouges améliore l’assimilation du « fer non héminique » des haricots rouges.
Régulation
Nous avons évoqué le fer stocké, associé à la ferritine, dans les cellules intestinales. Comme tout dans la nature, ces cellules ont un cycle de vie, au bout de quelques jours elles meurent et sont éliminées dans le tube digestif… avec le fer qu’elles contiennent. Une partie du fer est aussi éliminée naturellement par la transpiration, les urines, les règles chez les femmes adultes… Ces pertes ne sont pas régulées.
Le corps n’exerce de contrôle qu’à l’entrée de l’organisme. Des chercheurs ont montré que l’absorption du « fer non héminique » est accrue en cas de carence. Et que, lorsque la quantité de fer dans l’organisme est trop importante, son absorption diminue, quelle que soit la quantité apportée par l’alimentation. Donc pas de panique, même en étant végétalien, dans la mesure où vous ne consommez pas trop de thé et de graines complètes non germées, il vous est possible d’avoir un apport suffisant en fer. Il en est de même pour le zinc, que je ne détaillerai pas ici.
L’hémochromatose
Une particularité : chez les personnes souffrant d’hémochromatose, la maladie génétique la plus fréquente chez les adultes en France, les mécanismes de régulation ne fonctionnent pas. Le coefficient de saturation de la transferrine augmente ainsi que les quantités de ferritine. Le fer se dépose dans le foie, les articulations, le cœur etc, occasionnant les symptômes de la maladie. Savez-vous comment on la soigne ? par des saignées…
La vitamine B12
La vitamine B12 contribue au bon fonctionnement du système nerveux et à la formation du sang. Et dans toutes les cellules, elle participe à la régulation de la synthèse d’ADN, d’acides gras et à la production d’énergie. Un adulte en a besoin de 4 µg par jour (source).
Nos besoins sont largement satisfait par une alimentation omnivore. 100 g de bœuf ? entre 1 et 4,5 µg de vitamine B12 selon les morceaux (sans parler de certains abats qui en sont très riches). 100 g de fruits de mer, maquereaux, harengs, sardines ? environ 10 à 12 µg.
Un végétarien aura plus de difficultés pour atteindre les quantités nécessaires en consommant des œufs (environ 1 µg dans 100 g d’œuf au plat ou à la coque) et des produits laitiers (entre 0 et 2 µg pour 100 g selon les fromages). Des analyses de sang doivent donc le vérifier.
Quant aux personnes végétaliennes, une complémentation en vitamine B12 est nécessaire pour éviter une carence.
Les produits laitiers
La composition des produits laitiers est variable selon qu’on parle de lait, yaourt, fromage frais ou affiné. Ils contiennent plus ou moins de protéines, en particulier une protéine appelée caséine. Savez-vous que le lait de vache contient trois fois plus de protéines que le lait de femme (il est adapté au veau…) ? Que la caséine, avec son excès de méthionine notamment, est impliquée non seulement dans les allergies aux produits laitiers, mais aussi dans les effets cardiovasculaires néfastes ?
Le lait contient un glucide appelé lactose. Pour être digéré, l’organisme doit produire dans ses sucs digestifs de la lactase. Or une partie des humains en produisent moins à partir de l’âge de 2-3 ans. S’en suit alors des troubles digestifs. C’est l’intolérance au lactose.
Enfin, les produits laitiers sont plus ou moins gras et riches en calcium.
Si on n’est pas allergique aux protéines de lait ni intolérant au lactose ou tout autre problème, la consommation modérée de produits laitiers fait partie des traditions gastronomiques françaises. Mais attention aux excès : les fromages sont des aliments « concentrés ». Il est dès lors facile d’avoir des apports excessifs de protéines et de calcium…
Le calcium
L’excès d’apport en calcium peut conduire à la survenue de calculs rénaux, en particulier si l’hydratation est insuffisante. On ne connait aucun bénéfice à des apports supérieurs à 1,5g/jour. Cela correspond à 150 g de gruyère / comté / emmenthal… ou de crevettes grises cuites. Les apports recommandés en calcium sont d’environ 1 g par jour. Donc bien sûr il y a les produits laitiers, mais pas seulement. Savez-vous que tous les végétaux en contiennent ? En effet, il fait partie des constituants nécessaires à la formation des parois et des membranes cellulaires. A condition de ne consommer trop de céréales complètes (qui apportent des phytates qui « captent » le calcium comme le fer), une alimentation végétale peut apporter un bon apport en calcium. Du chou ? entre 100 et 200 mg pour 100 g. Des graines de sésame ? presque 1 g pour 100 g. Des amandes ? environ 250 mg pour 100 g. Pensons aussi aux eaux « dures », calcaires, autrement dit riches en calcium.
Enfin, il ne suffit pas de considérer les teneurs des aliments en calcium. Comme pour l’ensemble de notre santé, c’est une globalité qui permet un bon équilibre. Ainsi, l’assimilation du calcium nécessite des quantités suffisantes de vitamine D. De même, consommer beaucoup d’aliments alcalins et de fibres (légumes, noix, fruits…) alimente notre microbiote et permet une bonne santé de notre tube digestif. L’assimilation des nutriments est alors optimale.
Inversement, une alimentation défavorable à l’équilibre du microbiote va pénaliser la qualité de la digestion des aliments et de l’assimilation des nutriments. Des quantités élevées de sodium (sel), de caféine et de graisses saturées peuvent inhiber l’absorption du calcium. Donc plusieurs belles tartines de pain beurre fromage, avec le sel du pain et du fromage, les graisses saturées du beurre et du fromage…
Produits laitiers et santé
La lecture de l’ouvrage Soyons moins lait ! de Nicolas Le Berre et Hervé Queinnec, édité chez Terre vivante, indique que l’occurrence des cancers du sein et de la prostate augmente avec la consommation de produits laitiers. Il montre aussi que les protéines et matières grasses du lait sont impliquées dans les pathologies cardio-vasculaires. Qu’il faut aussi penser aux produits laitiers en cas de maladie auto-immune. Leurs conseils ?
- exclusion totale chez les allergiques
- en cas de troubles digestifs chroniques, tester l’éviction des produits laitiers
- pour les insomniaques, se méfier des graisses (beurre…) : « Les troubles du sommeil liés à la consommation de produits laitiers peuvent être entretenus par la seule consommation de beurre ».
- pour les personnes qui ont des glaires (rhinopharyngites, otites et bronchiques, mais aussi pertes gynécologiques non infectieuses), éliminer laitages et fromages frais, garder un peu de fromage à pâtes dures cuites (comté, emmental…)
- en cas de tendinites, éviter les yaourts (mais aussi les sucres et les fruits pas mûrs).
- dans toutes les pathologies graves (inflammatoires, cardiovasculaires, auto-immunes ou cancéreuses), ils conseillent l’arrêt total de tous les produits laitiers en se méfiant des apports cachés dans les produits industriels
- enfin, pour tous, « réserver aux jours de fête l’utilisation des mélanges lait-sucre et consommer modérément les laitages salés ou acides une fois par jour au maximum ».
Qu’en retenir ?
Ainsi, nous avons vu que pour notre santé, la consommation de viande et produits laitiers peut nous apporter des nutriments indispensables. Mais d’une part, il ne faut pas en consommer en excès. D’autre part, une alimentation dépourvue de produits animaux peut aussi permettre la plupart des apports nécessaires pour une bonne santé, à l’exception de la vitamine B12.
Que penser de l‘impact environnemental de notre alimentation ? Qu’en est-il d’un point de vue éthique ? Ce sont aussi des dimensions que nous pouvons choisir de prendre en considération.